N°10 / Traces numériques et durabilité – temporalités, usages, éthique

La traçabilité pour détecter la mutation d’une rumeur en légende urbaine.

Étude de cas de Danone Égypte

Mona SHEHATA

Résumé

La ressemblance entre la rumeur et ses termes voisins, ragots, fake news et légende urbaine, mérite une attention particulière, afin d’affiner la distinction. Nous présentons dans cet article une étude de cas sur une fausse information qui a circulé sur l’entreprise française Danone en Égypte, pour analyser ses caractéristiques concernant sa forme, ses dimensions sémiologiques et rhétoriques, ainsi que son mode de diffusion et sa durée de vie. Examiner la traçabilité de ce cas sur le Web et les réseaux socio numérique (RSN) nous a éclairé sur la nature de cette rumeur. Notre problématique se présente comme suit : comment la traçabilité pourrait-elle détecter une mutation de rumeur sur les RSN ? Pour y répondre, nous avons suivi une méthodologie qualitative par l’observation en ligne (netnographie) ainsi qu’une collecte des données à l'aide de plusieurs outils numériques. L'analyse commence par la traçabilité des sources à l’origine de la rumeur, grâce à l’archivage du Web, pour chercher si un démenti existe. L’interprétation des résultats permet de démontrer que nous pouvons remonter aux différentes origines d’une rumeur, même si elle dépasse une décennie, ce qui changera sans doute la nature d’une rumeur qui persiste dans le temps. Une meilleure gestion, plus adaptée face à ces fausses informations, pourra ainsi être mise en place par les entreprises victimes ce ces attaques. L’interprétation des données du traçage peut présenter des pistes utiles pour mieux anticiper des crises exogènes liées à l’e-réputation, en prévoyant les modes de propagation des rumeurs. Notons par ailleurs que les principales techniques utilisées pour collecter les données peuvent être étendues à des plates-formes numériques différentes mais similaires.  

Mots-clés

Plan de l'article

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Abstract : The similarity between rumour and its adjacent terms, gossip, fake news and urban legend, deserves careful attention in order to refine the distinction. In this article, we present a case study of a false information that was circulating about the French company Danone in Egypt, to analyse its characteristics regarding its form, its semiological and rhetorical dimensions, as well as its mode of dissemination and its life span. Examining the traceability of this case on the Web and social-digital networks (SDN) shed light on the nature of this rumour. Our problem is as follows: how could traceability detect a rumour mutation on the SDN? To answer this, we followed a qualitative methodology of online observation (netnography) together with data collection using several digital tools. Interpretation of the results shows that we can trace the different origins of a rumour, even if it is more than a decade old, which will undoubtedly change the nature of a rumour that persists over time. Better management, more adapted to false information, can thus be put in place by companies that are victims of these attacks. The interpretation of the tracing data can provide useful leads to better anticipate exogenous crises linked to e-reputation, by foreseeing the ways in which rumours are spread. It should also be noted that the main techniques used to collect data can be extended to various but similar digital platforms. 

Keywords: Traceability,  rumours,  SDN,  mutation, case study.

 

INTRODUCTION

Avec Internet, « les frontières anciennement nettes entre la fausse information et la rumeur deviennent floues, en raison de la popularité des médias sociaux, de leur utilisation par les journalistes et du volume d’informations produites par les particuliers » (Peter et Chen, 2018, p.50). La question qui nous frappe est :  comment situer la rumeur par rapport à ses termes voisins, parfois très proches ? Comment la distinguer des ragots, des fake news et des légendes urbaines ? Pour y répondre, il nous semble adéquat que la notion de traçabilité soit un point d’entrée intéressant parce qu’elle est factuelle, notamment concernant la propagation et le cycle de vie d’une rumeur. Cet élément ne suffit sans doute pas à définir un phénomène aussi complexe que la rumeur, mais la traçabilité est une piste tout-à-fait pertinente pour examiner la mobilisation et la mutation d’une rumeur.

Dans les lignes qui suivent, nous traitons la rumeur sous l’angle de sa traçabilité, afin de mieux la distinguer de ses termes voisins notamment les légendes urbaines, et mieux saisir la possibilité de sa mutation.

Merzeau (2012) nous rappelle que dans l’environnement numérique d’aujourd’hui, la collecte et la mise en mémoire des données reposent sur des moteurs de recherche, des réseaux sociaux et des applications, qui alimentent à chaque instant des stocks de plus en plus importants. Partant de cela, la question de traçabilité sur les RSN concerne aussi l’archivage des données qui a été primordial pour notre étude de cas présentée dans cet article. Grâce à cette dimension de traçage et de stockage qui caractérise les plates-formes numériques, nous avons pu tracer et collecter des données suffisantes jusqu’arriver à la source du déclencheur de la rumeur, soit en 2002 pour notre étude de cas. Cet aspect de traçabilité sur les médias sociaux est polémique, ouvrant la porte de l’interrogation sur la survie des fausses informations et sur leurs vraies typologies. Nous examinerons cela à travers le prisme d’une étude de cas empirique de rumeur circulant en Égypte sur l’entreprise française Danone.

Plan de l’article :

L’article se compose de quatre parties : dans un premier temps, nous présentons le cadre conceptuel de la notion de traçabilité, et la revue de littérature pertinente, liée aux mots clés de notre problématique, notamment pour repérer les différences de définition entre rumeur et légende urbaine. Ensuite, nous détaillons la méthodologie et le contexte de l’étude (le terrain), tout en identifiant la plate-forme numérique choisie. Dans un troisième temps, nous présentons nos résultats. Enfin, la quatrième partie est dédiée à la conclusion et la présentation des limites et perspectives de la recherche.

TRAÇABILITE SUR LE WEB

Dans notre recherche, nous avons eu recours à plates-forme, très utilisée en Égypte :  Facebook, la plateforme la plus utilisée en Égypte (78,15% d’utilisateurs contre 15,39% d’utilisateurs Youtube en décembre 2020)[1].  Les plates-formes numériques forment un terrain propice où se dépose la mémoire numérique, par captation de nos traces d'usage. La mémoire numérique est décrite par Merzeau (2012, p. 1) comme suit : « […] la mémoire numérique s'éloigne du modèle de l'arbre pour devenir toile, mémoire en réseau connectant entre elles des mémoires non homogènes. L'archivage institutionnel du Web remet en perspective la traçabilité et crée une mémoire publique qui permettra de produire de nouveaux usages ». L’auteur la nomme « la mémoire machinique du Web » (ibid, p.2). Il pointe également sa capacité à se démultiplier puisque « toute activité met désormais en œuvre une traçabilité dont la part incontrôlable et imperceptible ne cesse de croître ». Merzeau (2012) avance aussi que cette traçabilité du Web conserve nos adresses IP, enregistre nos historiques de navigation, mémorise nos ordres assurés par nos clics aux serveurs des sites visités, et archive nos données et nos localisations notamment par les moteurs de recherches. En effet, cette traçabilité du Web est vitale pour la performativité numérique. Afin de naviguer, chercher, accéder, échanger, c’est-à-dire communiquer, « désormais, on ne peut pas ne pas laisser de traces » (Merzeau, 2012, p.2).  

TRAÇABILITE SUR LES RESEAUX SOCIAUX NUMERIQUES (RSN)

Le Béchec et Alloing (2018, p.3) mettent en relief qu’il reste impossible de récupérer toutes les traces sur les réseaux sociaux numériques bien contrôlés par les API[2] de chaque plateforme. Ils avancent que « l’usage des API nous montre que l’extraction de données sur des activités passées est limitée, que l’accès à des données ouvertes comporte plus que des lacunes et que le traitement de ces données tant du point de vue de la déclaration que de la confidentialité est une question encore émergente en sciences de l’information et de la communication » (Béchec et Alloing, 2018, p.3). De plus, Merzeau (2012, p.1) précise que la collecte et la mise en mémoire des données dans un environnement numérique « ne reposent plus uniquement sur les compétences professionnelles des archivistes. De nouveaux acteurs s’invitent dans les flux d’information : via moteurs de recherche, réseaux sociaux, applications diverses, tout un chacun peut en effet consulter, mais aussi alimenter à chaque instant des stocks de plus en plus importants », ce qui pourrait accroître l’inquiétude des internautes. Ainsi, cette mémoire numérique se transforme en terrain numérique par captation des traces d’usage des internautes. Ainsi, les rumeurs sont archivées, tracées de leur déclenchement à leur mort (ou à leur mutation), pour continuer à survivre (Shehata, 2021, p. 110).                      

TRAÇABILITE SUR LES RESEAUX SOCIAUX NUMERIQUES (RSN)

Sur les RSN, les rumeurs ont suivi la tendance numérique et ont muté en e-rumeur comme Froissart (2010, p. 34) le confirme : « La rumeur mute au contact des réseaux électroniques, et devient e-rumeur ou e-réputation ». Traçabilité et rumeur sont étroitement liées dans notre recherche puisque grâce à cette notion, la possibilité de retracer le parcours de la rumeur a été assurée. D’emblée, nous constatons qu’il est difficile de connaître précisément les chemins empruntés par une rumeur. Cela est dû à ce que l’identification de la source émettrice d’une rumeur demeure difficile à identifier avec exactitude.

L’importance de la source est aussi mise en avant quand Kapferer (1984, 1987) cite parmi les variables individuelles qui interviennent dans la diffusion des rumeurs « l’effet de source ». Dufays (2004, p.30) suggère des rapports étroits qui unissent le fonctionnement des rumeurs et celui des stéréotypes en expliquant que les deux phénomènes sont reconnus par l’anonymat de leur source. Il cite « le mode de diffusion privilégié de la rumeur, comme celui de la stéréotypie, celui du «on», du discours anonyme rapporté, du conditionnel attestant le caractère non assuré de l’information («On m’a dit que», « il paraît que», «Un tel aurait dit que», «Une telle serait atteinte de»): si la source n’est jamais citée, c’est parce que l’anonymat, qui garantit le secret, confère aussi une aura à celui qui le relaie ».

Contrairement à ce postulat d’anonymat de rumeur, des auteurs comme Froissart (2004) démontrent que les informations que nous jugeons sérieuses (non rumorales) ne sont pas nécessairement des informations que nous avons vérifiées, mais des informations dont la source (le journal, la dépêche de presse, etc.) nous apparaît comme fiable. Dans cette même optique, Gaildraud (2012, p.119), pointe l’importance du rôle joué par une source pour rendre une rumeur crédible, conduisant à persuader son auditoire de croire une rumeur et de la propager.

RUMEURS OU LEGENDES URBAINES, QUELLES DIFFERENCES ?

En 1969, la circulation de la rumeur a connu une nouvelle perspective, définie par le sociologue Morin introduisant la notion de légende urbaine dans ses publications sur la rumeur d’Orléans. Les études sur les légendes urbaines ont été poursuivies par Aldrin (2003, p.7) : « les légendes urbaines se fondent sur le postulat que la (re)création et la circulation de légendes jouent une fonction normale d’expression des inquiétudes collectives. » Cela met en exergue l’ampleur des inquiétudes sociales qui peuvent se manifester en « refoulé fantasmatique » comme les nomme Morin (1969), amplifiant ainsi la circulation d’une rumeur.

Dans son article : "les genres voisins, rumeurs et légendes urbaines", Renard (2013) présente les distinctions entre rumeur et légende urbaine sur le plan narratif, le contenu, la diffusion et la durée de vie.

Sur le plan narratif, la forme rumorale est brève, elle tend à se réduire à une seule unité d’information (Rouquette, 1975, p. 51). Au contraire, la forme légendaire est un récit qui, aussi court soit-il, articule plusieurs unités d’information dans une structure narrative. Sur le plan de la véracité, l’énoncé rumoral est vrai ou faux : dans la mesure où il relate un événement observable et authentifiable, sa vérification est possible.

Sur le plan du contenu, la rumeur a tendance à prendre pour sujet une personnalité ou un produit identifié, connu (célébrité, marque commerciale) alors que la légende urbaine a fréquemment pour protagonistes des anonymes, simplement caractérisés par quelques variables (sexe, âge, milieu social).

Sur le plan de la diffusion, la rumeur se transmet de manière assez localisée, au sein d'une population fortement impliquée par le contenu du message. Comme le souligne Reumaux (1994), l’émergence des rumeurs est liée « à des circonstances immédiates de l’actualité et à des implications directes sur leurs destinataires » (op. cit. p. 146). De ce fait, et notamment en raison de sa brièveté, la rumeur se diffuse à grande vitesse.  À cet égard, la rumeur est le moment de la vie de la légende où elle se transmet activement dans un milieu social : « la rumeur est un état de diffusion hyperactive de la légende » Tangherlini (1995). En dehors de ces périodes d’hyperactivité de la rumeur, Renard (2013) ajoute que les récits retournent à l’état de « légendes latentes ». Les légendes urbaines sont des récits - elles ont une structure semblable à celle d'une histoire - comprenant des événements inhabituels, humoristiques ou horribles, qui contiennent des thèmes modernes et des implications morales. Les légendes urbaines sont racontées comme quelque chose qui s'est produit, ou qui a pu se produire, et dont on trouve des variantes dans de nombreux endroits et à différentes époques (Cornwell & Hobbs,1992 ; Fine, 1992 et Kapferer,1990).

La durée de vie d’une rumeur est généralement éphémère, par saturation de la population touchée, par changement de préoccupations liées à l’actualité immédiate, ou par confirmation ou infirmation officielle du fait allégué par la rumeur. Au contraire, la légende est souvent un récit flottant qui court pendant un temps relativement long, traversant les années voire les siècles, et voyageant à travers les continents.

Les propositions de Renard sont résumées dans le tableau[3] ci-après (shehata, 2021) :

Tableau 1. Synthèse de la distinction entre rumeur et légende urbaine[5]

Ces distinctions amènent à envisager le passage d’une forme à l’autre. Sur le plan narratif, une rumeur peut se développer, s’authentifier, se muter dans un récit légendaire (Miller, 1985). Inversement, une légende peut se simplifier, se réduire à un énoncé.

Selon Bergman (1933), les rumeurs se caractérisent par la propagation de « messages non autorisés » qui, s’ils ont un intérêt universel, sont disséminés d’une manière plus large. Allport et Postman (1947) ajoutent que les rumeurs peuvent parfois se séparer de leur nature spécifique et se « solidifier » en légendes urbaines, ce que l'on peut ensuite reprendre et déclarer comme sources d'information factuelle, en y ajoutant détails et embellissements. Plus récemment en 2012, Gaildraud avance (p.19) que « les légendes urbaines trouvent un ancrage plus profond dans l’inconscient collectif du groupe. Elles relèvent plutôt des stocks, tandis que les rumeurs relèvent des flux ». Il pointe que les stocks sont plutôt permanents, ayant une structure plus stable tandis que les flux sont plus adaptables et plus susceptibles de muter en une autre forme.

CARTOGRAPHIER POUR MIEUX TRACER LE CHEMIN D’UNE RUMEUR

Dans le domaine de la sociologie et les sciences de l’information et de la communication, visualiser l’effet de contagion et de viralité d’une rumeur est fondamental. Cela a été indispensable dans notre analyse, pour repérer les liens entre internautes et analyser la formation des clusters autour de la rumeur. En d’autres termes, nous avons eu recours à cette visualisation d’une manière heuristique pour une lecture dite « à distance » (Moretti, 2013, cité par par Cormerais, Le Deuff, Lakel et Pucheu, 2016, p.7). L’étude des cartographies dans les environnements numériques rend possible de « nouvelles visibilités » qui mettent à jour la structure et les dynamiques constitutives de communautés scientifiques au travers d’agrégats (« clusters »), comme Juanals et Noyer (2008, p.60) le précisent. Empiriquement, nous avions étudié nos données grâce à la cartographie de données (Plantin, 2014) assurée par des outils de cartographie comme Gephi et Netvizz. Drucker (2011) affirme que la visualisation des données est un passage important dans la gestion et l’interprétation des grandes masses de données. Ainsi, nous avons traité cet aspect d’une manière représentative des clusters produits par l’utilisation de ces outils. Juanals et Noyer (2008, p.61) avancent aussi que « ces « nouvelles visibilités » impliquent aussi d’être capable de mettre à jour les fronts de recherche, les réseaux d’influence, les systèmes de traduction, de chevauchement ou de percolation des notions, des concepts, des thèmes… ».

METHODOLOGIE DE COLLECTE DES DONNEES

Dans cette partie nous détaillons la méthode établie pour collecter et analyser les données de l’étude du cas de Danone Egypt.

COLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES DANS LE CADRE DE LA THEORIE ANCREE

Le recours à la théorie ancrée nous a servi essentiellement dans la conceptualisation des données empiriques collectées, en proposant des points de repère qui ont guidé les trois premières étapes de notre traitement des données : la codification, la catégorisation et la mise en relation. Paillé (2006, cité par Méliani, 2009, p. 436), avance que « la méthode est un aller-retour constant et progressif entre les données recueillies sur le terrain et un processus de théorisation ». Il explique que la théorie ancrée est « une méthode d’analyse qualitative visant à générer inductivement une théorisation au sujet d’un phénomène culturel, social ou psychologique (comme c’est le cas pour notre recherche) en procédant à la conceptualisation et la mise en relation progressive et valide de données empiriques qualitatives. » (Ibid).  Paillé (1996, cité par Méliani, 2013, p. 437). Il la catégorise comme analyse itérative en disant très exactement « qu’elle ne parvient que progressivement, par le jeu d’approximations successives, à la conceptualisation de son objet ». La théorisation ancrée comprend six étapes, qui ne sont ni linéaires ni équivalentes. Paillé (1996) ouvre notamment la possibilité de ne réaliser que les trois premières opérations, qui amènent le chercheur à un niveau analytique satisfaisant pour ses objectifs.

UNE IMMERSION DANS LE TERRAIN PAR LA NETNOGRAPHIE

Nous nous sommes basés sur l’ethnographie virtuelle, ou netnographie, pour une collecte de données permettant l’observation et le recensement des différents déclencheurs de cette rumeur sur les forums, Youtube, Facebook et Twitter. Selon Kozinets (2002, p.2), la netnographie est « une nouvelle méthodologie de recherche qualitative qui adapte les techniques de recherche ethnographique pour étudier les cultures et les communautés qui émergent grâce à la communication par la médiation informatique ».  Plus précisément, la collecte s’appuie sur des « récits reproduits par des techniques de diffusion collective » (Renard, 2002, p. 73), comme des traces circulant sur les RSN sous forme de publications, d’échanges entre internautes, ainsi que des articles de presse. La traçabilité a été assurée grâce aux analyses sémantiques et sémiologiques pour identifier des mots clés et des hashtags liés à la rumeur.  Cette démarche constitue une partie fondamentale de notre observation, qui prend en considération le concept de culture représenté essentiellement sémiotiquement, ainsi que les analyses des signifiances sémantiques et lexicales menées comme il sera détaillé dans la présentation de l’étude de cas. En bref, il s’agit de l’interprétation des expressions sociales.

Notre observation avait plusieurs objectifs :

  • Remonter à la source des rumeurs sur les sites Web ou les RSN ;
  • Repérer uniquement le contenu publiquement accessible, pour le respect de l’anonymisation ;
  • Créer un corpus de données général afin de mieux détecter l’ampleur et la portée organique des rumeurs ainsi que les interactions des internautes ;
  • Observer le contenu échangé, y compris les hashtags indexés, pour chaque rumeur ;
  • Bénéficier du fait que les interactions soient asynchrones sur les RSN, en prenant des captures d’écran des publications impliquées dans le circuit de la propagation des rumeurs.

METHODES NUMERIQUES POUR EXTRAIRE LES DONNEES DES RSN

Dans le champ des sciences de l’information et de la communication, il est devenu habituel de considérer que les chercheurs mettent en œuvre un pluralisme méthodologique pour concevoir une approche adaptée aux objectifs visés. Cette démarche se compose de tant d'approches différentes que nous ne pouvons pas parler d'une seule méthode d'analyse numérique. Par le terme méthode numérique, nous entendons donc un ensemble de dispositifs variés (logiciels, applications, plugins, etc..), chacun permettant des analyses différentes. L'idée de base était d'extraire des réseaux socio numériques l'ensemble des données exposées publiquement. Nous sommes revenus à des méthodes qualitatives de traitement et de représentation des résultats éprouvées, avec de nouvelles manières de faire et le recours à des outils techniques pour restituer les résultats et traiter leur validité.

Nous détaillons, dans le tableau 2, les deux logiciels utilisés pour compléter nos analyses et extractions des données, notamment la cartographie des clusters.

Logiciel/ application

Description

Avantages / usages

Typologie des données recueillies

Limites

Netvizz

Rieder B. (2013)

Netvizz est une application académique pour extraire les données de Facebook (pour les comptes des pages publiques) conçue par Rieder B. (2013).

Des données détaillées bien structurées et organisées dans des tableurs Excel. Donne aussi la possibilité de créer des tableaux en format CSV pour les ouvrir avec le logiciel Gephi et créer des cartographies des réseaux de chaque page publique sur Facebook.

Des données liées aux pages publiques sur Facebook qui ont été impliquées dans la propagation ou même le lancement des rumeurs sur Facebook. Ex : la typologie de la publication, le lien vers elle, la date et l’heure de la publication, le taux de réactions, de likes, de commentaires et de contenu des commentaires, le taux de partages, le taux d’engagement sont calculés. Ainsi que des informations liées à l’activité des pages, leurs taux de publication quotidienne, etc.

Des limites ont été imposées progressivement, concernant la typologie des données, comme les données de localisation des membres abonnés à une certaine page publique. Aussi Netvizz s’est-il arrêté de fonctionner en septembre 2019, après le changement de l’API qui a eu lieu sur Facebook.

Gephi[6]

Bastian, Heymann, Jacomy (2009).

Gephi est un logiciel libre pour la visualisation et l'analyse de réseaux. Il aide les analystes de données à révéler intuitivement les modèles et les tendances, et à créer des « histoires » avec leurs données.

 

Gephi utilise un moteur de visualisation 3D pour afficher de grands graphiques en temps réel et pour accélérer l'exploration. Gephi combine des fonctionnalités intégrées et une architecture flexible : explorer, analyser, spatialiser, filtrer, cluster, manipuler, et exporter tous types de réseaux.

Nous nous sommes appuyés sur ce logiciel pour la visualisation et les analyses des cartographies illustrant la construction des clusters des pages officielles actives sur Facebook impliquées dans la propagation des rumeurs.

Le contexte et les besoins des utilisateurs évoluent et Gephi peut devenir obsolète[7].

Tableau 2. Les différents outils de collecte de données des RSN utilisés dans cette recherche

ÉTUDE DE CAS DE RUMEUR : « LES YAOURTS DE DANONE CONTIENNENT DE LA GELATINE DE PORC »

L’histoire de Danone en Égypte date des années 60 quand Bebelac a été introduit sur le marché.

Voyons la présentation sur le site Web[8]. Danone Egypt est actuellement une filiale de la multinationale Danone. Elle occupe la deuxième place (34%) du marché des yaourts en Égypte.

En avril 2016, en Égypte, l’entreprise a fait face à une rumeur, notamment sur Facebook et Twitter, l’accusant d’utiliser de la gélatine provenant de peau de porc pour la fabrication de ses yaourts. Dans les sous-parties qui suivent, nous présentons et analysons cette rumeur.

Sa source en Égypte a été une page publique Facebook nommée « Alexandria 24 Hours ». Il s’agit d’une page égyptienne d’actualités du genre tabloïd. Elle a partagé la rumeur sous la forme d’une image qui réunit des pots des yaourts de Danone et un porc, accompagnée d’un texte rédigé en arabe. Ce texte sous forme de récit est un message anonyme et sans références. Il s’agit d’un laboratoire situé dans une ville marocaine et s’adressant au consommateur marocain. L’origine véritable de la publication demeure inconnue. Le commentaire ajouté à cette image par la page publique Facebook commence par une expression religieuse généralement utilisée pour exprimer la consternation, afin de générer un sentiment d’empathie avec la communauté musulmane qui a été trompée, et de ressentiment envers la marque Danone. Il se termine par un appel à l’action, en l’occurrence le boycott des produits (figure 1).

               Figure 1. Capture d’écran de l'image la plus relayée sur Twitter et Facebook.[9]
Prise le 31 mars 2018

Grâce à l’archivage du Web, nous avons pu remonter aux traces historiques de la rumeur, apparue en 2002[10] en faisant une recherche minutieuse par mots clés en arabe, en anglais et en français sur différents moteurs de recherche.  Elle existait donc depuis quatorze-ans et circulait entre les sites Web, les plates-formes YouTube, Twitter et finalement Facebook, avant d’arriver en Égypte en 2016.  Une autre trace importante de la même rumeur date du 15 septembre 2012, sous la forme d’une vidéo sur YouTube intitulée : زبادى دانون DANONE ودانيت DANETTE هل بهما جيلاتين الخنزير؟ (Traduction : Les yaourts de Danone et Danette contiennent-ils de la gélatine de porc ?). Cette vidéo[11] a été téléchargée par une chaîne religieuse YouTube ayant 1.038.000 abonnés[12], nommée « HolyQuranbyHosary ». La vidéo a été diffusée en français, mais sous-titrée en arabe, ce qui démontre l’intention de cibler une communauté franco-arabe. À la date du 17 octobre 2019, la vidéo comptait exactement 115 960 vues, 26 commentaires émis entre 2012 à 2019 et 343 likes.

En traçant la temporalité des relais de la rumeur au fil des années sur Facebook et Twitter, l’horodatage (timestamp) a démontré des hausses et des baisses de fréquence : en Égypte par exemple, la rumeur est apparue juste avant le mois de Ramadan, connu pour être la saison de forte consommation de yaourts. Selon l’étude de Saad Aly et Emam (2010, p.117) portant sur la culture du mois de Ramadan en Égypte : « Les publicités commerciales et les promotions des ventes commencent à s'intensifier de façon remarquable au cours de ce mois. Il s'agit principalement de produits de bien de consommation, tels que les huiles de cuisson et les produits laitiers, dont la demande atteint son maximum aux mois de Sha'ban et Ramadan ».

Pour tracer la propagation de cette crise, nous avons observé que l’acte de partage a été largement majoritaire pour la publication apparue sous forme d’image le 20 avril 2016 sur Facebook (exactement 119 partages contre 21 commentaires et 39 likes).

La cartographie des agrégats nous permet d’illustrer une « géographie culturelle » qui se révèle dans l’agencement et le groupement des individus, pages, et groupes. La cartographie de la page Facebook qui a publié la rumeur le montre bien, comme l’illustre la figure 2. Nommée « Alexandria 24h », elle est étroitement connectée à quatre pages publiques amplifiant la propagation de la rumeur. Les groupes de couleurs verte, orange, marron et fuchsia sont des pages d’infos et d’actualités respectivement nommées « Alexandria 24h », « El Masry Al-Yom », « Al-yom al sabei » et « Egypt Today ». Les clusters de couleur bleu et violet sont respectivement composés des pages publiques suivantes : « Ministry of interior affair » et « Egyptian Gouvernemental services », au contenu plutôt politique.

Figure 2. Cartographie de la page publique qui a initié la rumeur de Danone en Égypte et ses interconnexions avec d’autres pages sur Facebook
 

Il est aussi important de souligner que l’entreprise Danone n’a rien publié et n’a pas réagi pour démentir cette rumeur et qu’aucune trace de démenti officiel de sa part n’a été détectée.

RESULTATS ET DISCUSSIONS

Grâce à la mémoire du Web, la traçabilité des sources à l’origine des rumeurs a été possible.  La rumeur de Danone a connu une ampleur étendue et extraterritoriale. La raison de cette multiterritorialisation est sans doute le miroir de l’existence réelle de cette entreprise multinationale sur plusieurs territoires physiques. Par ailleurs, le traçage de cette rumeur a détecté qu’elle n’a pas seulement franchi les limites entre pays, mais également les limites entre plates-formes ; à titre d’exemple nous avons repéré qu’elle a erré sur la plateforme Youtube, sous forme de vidéos qui ont été relayées par les internautes pendant des années jusqu’à ce qu’elle soit arrivée sur les plates-formes Facebook et Whatsapp en Égypte.

Selon la distinction établie par Renard (2013) entre rumeurs et légendes urbaines, et selon nos arguments basés sur la littérature scientifique de cet article, nous pensons que ce cas remplit les conditions pour être catégorisé comme légende urbaine et non comme rumeur. En effet :

  • La forme de la rumeur est une photo, mais accompagnée par un récit dans une structure narrative (cela est montré par le texte narratif traduit de l’arabe en français comme présenté plus haut) ;
  • Les origines de cette rumeur sont plutôt issues d’individus anonymes ou de pages publiques du genre tabloïd ;
  • Concernant la véracité, la rumeur porte sur des énoncés relevant de l’imagination de l’auteur de la rumeur, mais étroitement liés à la culture arabo-musulmane (le porc dans un pays musulman) ;
  • Il s’agit d’une diffusion flottante, à travers plusieurs plates-formes et d’un pays à l’autre. Cette diffusion n’est pas éphémère comme la plupart des rumeurs, mais a connu une durée de vie de 17 ans ;
  • La temporalité et la vitesse de propagation se sont insérées dans le long terme, avec des hausses et des baisses (voir le graphique en annexe 1) ;
  • La durée de vie de cette rumeur est de plus de 17 ans et elle continue à circuler encore sur des applications comme WhatsApp[13] ;
  • Nous avons pu percevoir la formation de clusters sur Facebook, notamment par des pages publiques impliquées dans la propagation de la rumeur.

CONCLUSION

Pour dire que cette rumeur s’est transformée en légende urbaine, la traçabilité de ses origines et la définition de légendes urbaines et de rumeurs dans la littérature scientifique ont été primordiales. La traçabilité nous a permis également de localiser la rumeur, qui est apparue sur des sites d’actualité, YouTube, Facebook et Twitter ainsi que des applications de messagerie instantanée comme Whatsapp. Par l’analyse rétroactive des traces de cette rumeur : sa forme, ses dimensions rhétoriques ainsi que son mode de diffusion et sa durée de vie, nous pouvons dire qu’elle a pu muter en légende urbaine.

Cela est aussi dû au socle culturel indissociable du thème de la rumeur qui la nourrit et garanti sa survie notamment dans une culture arabo-musulmane. 

LIMITES DE LA RECHERCHE ET PERSPECTIVES

Le champ de notre étude a été circonscrit, soumis à certaines limites.

La plupart de nos analyses se sont concentrées sur Facebook par l’observation en menant une ethnographie virtuelle. Cette méthode de collecte des données pourrait produit un échantillon biaisé par le chercheur ; nous avons examiné certains aspects de ce biais, mais ne pouvons pas le corriger de manière sûre.

Nos analyses par la netnographie sont purement observationnelles, et peuvent donc souffrir d'un biais de confusion notamment dans l’absence de cadre comparatif. Il est important de souligner également que nous ne pouvons pas nous appuyer uniquement sur les traces numériques historiques. Ainsi ces résultats restent-ils réfutables.

D’autres limites techniques nous ont empêchés d’aller plus loin en termes de détection des clusters sur Twitter, à cause de son API très restreint et limitant.

De ce fait, des perspectives s’ouvrent. Nous souhaitons pouvoir continuer à travailler sur cette thématique, élargir le terrain d’observation sur d’autres pays ainsi que d’autres plates-formes numériques, contribuer aux travaux dans ce domaine, domaine qui prendra sans doute de l’ampleur dans notre monde actuel.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Aldrin P. (2003). Penser la rumeur : Une question discutée des sciences sociales. Genèses, (1), pp.126-141.

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ANNEXE

Figure 3 : Graphique représentatif des traces de la rumeur sur le Web et des plates-forme numériques
 

Année d’apparition et de circulation

Lieu de la trace

En 2002

Première apparition sur un site d’actualité nommé Saphire news

En 2012

Vidéo publiée le 15 septembre 2012 sur youtube

En 2012

Vidéo partagée sur Twitter

En 2014

Vidéo partagée sur Twitter

En 2015

Message contenant la rumeur sur Twitter

En 2015

Sites web marocain a publié la fameuse photo

En 2015

La photo a été relayée sur Facebook

En 2015

Une photo + un nouvel hashtag + des mots comme catastrophe, arrêtez, incitation de retweeter

En 2017

La rumeur circule sur Facebook

En 2019

La rumeur repérée sur Whatsapp sous forme de la vidéo de 2012

 

 


[1] Selon les statistiques de l’étude du compteur de statistiques. Lien vers l’étude https://gs.statcounter.com/social-media-stats/all/egypt/#monthly-202001-202012-bar  récupéré le 15 avril 2021

[2] Application Programming Interface, en français : interface de programmation d’application, qui signifie « un ensemble normalisé de classes, de méthodes, de fonctions et de constantes qui sert de façade par laquelle un logiciel offre des services à d'autres logiciels ». Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le 12 octobre 2020).

[3] Résumé de l’article : Renard, J.B. (2013). Les genres voisins. Dans Rumeurs et légendes urbaines (pp. 49-69). Paris cedex 14: Presses Universitaires de France.

[4] Gary Fine a nommé «effet Goliath» la tendance qu’a une rumeur ou une légende à se fixer sur l’objet (personne, institution, produit, etc.) dont la notoriété est la plus forte du moment (G. A. Fine, « The Goliath Effect. Corporate Dominance and Mercantile Legends », Journal of American Folklore, 98, 1985, p. 63-84).

[5] Résumé de l’article Renard, J.B. (2013). Les genres voisins. Dans Rumeurs et légendes urbaines (pp. 49-69). Paris cedex 14: Presses Universitaires de France. Extrait de la thèse de Shehata (2021, p.70) .

[6] D’après le site Web official de Gephi sur https://gephi.org/about/ consulté le 8 juillet 2019 et traduit de l’anglais par nous.

[7]D’après le site Web https://gephi.wordpress.com/2018/11/01/is-gephi-obsolete-situation-and-perspectives/ consulté le 8 juillet 2019 et traduit de l’anglais par nous.

[8] Lien vers le site web : https://www.danone.com/egypt/aboutus.html, Consulté le 15 août 2020.

[9]Traduction du texte en arabe pour l’impression de la publication capturée le 31 mars 2018 sur le lien https://www.facebook.com/alexandria24hours/photos/a.991525844243991.1073741828.991383947591514/1075814992481742/?type=3  sur Facebook :

 « Il n’y a de puissance et de force qu’en Dieu.  C’est bientôt le mois du Ramadan et les yaourts sont importants pendant le repas d’El Sohour… Abstenez-vous d'acheter les yaourts de Danone. Vérifier la caaaaaaaaatastrophe. L’agence de la protection du consommateur, à El Yusufiah - en partenariat avec le laboratoire local - annonce la protection des Marocains contre la consommation de ce qui est haram aux musulmans.

Le laboratoire local de Yusufiya a réussi à isoler tous les ingrédients d’un yaourt appartenant à la marque Danone. Ensuite, c’est une catastrophe : la crème blanche à l'intérieur n'est pas un dérivé du lait, mais bien le contraire : de la graisse de porc estimée à 85% par yaourt et les 15% restants ne sont que des matériaux synthétiques pour casser le goût ainsi que des sucres ajoutés, des colorants artificiels et des conservateurs - Boycottez-lepoison ».

[10] Première apparition sur un site d’actualité nommé Saphire news le 2 novembre 2002. Lien vers le site : https://www.saphirnews.com/Meme-le-yaourt-contient-la-gelatine-de-porc_a145.html. Consulté le 16 août 2020.

[11] Lien vers la vidéo, repéré le 17 octobre 2019: https://www.youtube.com/watch?v=Ew65Tds3a_o&feature=youtube_gdata_player 

[12] Jusqu’en 17 octobre 2019.

[13] La vidéo mentionnée dans nos analyses, qui circule sur Youtube, nous a été relayée le 19 novembre 2019 depuis l’application de messagerie Whatsapp par une personne âgée de notre famille. Cela démontre la pérennité et l’efficacité d’une telle vidéo qui continue son chemin sur d’autres applications et l’impossibilité d’effacer les traces d’une rumeur qui s’est propagée sur de multiples plates-formes numériques.

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