N°6 / Questionner les manières d’habiter les espaces documentaires d’accès aux savoirs : une approche sensible

Reterritorialiser et réhabiter le « Territoire-Document » avec la Blockchain

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Renan Mouren, Matthieu Quiniou, Henri Hudrisier

Résumé

Dans cet article nous faisons l’hypothèse que la technologie de la blockchain surtout connue aujourd’hui comme fondement nodal du Bitcoin et d’autres monnaies numériques comme l’Ethereum est déjà une technologie ouverte à d’autres applications notamment en lien direct avec des activités documentaires : cadastre, application juridiques ciblées, gestion de droits industriels ou de droits artistiques. Pour ce qui est des applications documentaires (cadastre, applications juridiques et d’informations commerciales ou industrielles) ou épi-documentaires (droits d’auteurs, copyright) on peut constater que les qualités intrinsèques de la blockchain induisent une véritable mutation du mode de partage des documents, d’une gestion des métiers de la conservation, et possiblement réglemente pour les bibliothèques leur logique collégiale et surtout territoriale et leurs modalités d’accès. C’est une façon de garantir l’intégrité, la validité juridique de la documentation dans des domaines pointus que des humains ou des automates trouvent où il faut et quand il faut. C’est une manière innovante de concevoir collectivement des modalités d’habiter les espaces documentaires et d’accès aux informations pertinentes.

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Abstract : In this article we hypothesize that the blockchain technology, which is mainly known today as the nodal foundation of Bitcoin and other digital currencies such as Ethereum, is already a technology open to other applications, particularly those directly related to documentary activities: cadastre, targeted legal applications, management of industrial rights or artistic rights. As far as documentary applications (land registry, legal applications and commercial or industrial information) or epidocumentary applications (copyright, copyright) are concerned, it can be seen that the intrinsic qualities of the blockchain really bring about a real change in the way documents are shared, their long-term preservation and their relevant access methods. So we dare to say that this is a way to access information and that humans or automatons find where and when they need it. From our point of view, it is an extremely innovative way of collectively designing ways of living in documentary spaces and accessing relevant information. 

Keywords : Territory-Document, Man-Document, BlockChain, Smart Contract, Markup Language.

 

INTRODUCTION

Nous pouvons identifier trois phases dans le rapport que l’humain déploie avec le document numérique. Une phase d’ergonomie avec le SGML, qui permettait de mettre en page, de délimiter des champs et parcourir des masses de documents que nous pouvons qualifier d’ergonomie de l’habitabilité. Une phase de mondialisation et ses autoroutes de l’information qui a permis de parcourir le monde, mais a simultanément apporté son cortège de distorsions sur ce qu’est l’habitabilité réelle. En effet, si la SGMLisation des données personnelles a fait émerger « L’Homme Document », permettant de mieux le connaître, mieux le soigner, de générer desprofils de goûts, d’habitudes, d’anticiper ses comportements, de le conseiller, de faciliter son habiter documentaire via tout un lot de recommandations, elle lui fait parallèlement courir le risque permanent d’une confiscation à échelle globale de sa pensée documentaire. De même la SGMLisation des données territoriales a permis l’émergence du « Territoire-document », mais engendre des dérives liées à la confiscation, la perte de souveraineté dans la récolte, l’analyse de ces données territoriales et entraîne des biais en terme de production de documents. En 1999 le rapport Lengagne relevait déjà que l’émergence de producteurs privés de données géographiques posait la question de la légitimité́ d’une intervention publique dans ce domaine. L’information relative au territoire étant un outil de la décision publique, « la dépendance informationnelle serait le premier pas vers la dépendance économique et politique », une dépendance qui s’aggrave aujourd’hui avec l’extraterritorialité des géants du numérique. Une dernière phase consisterait alors en une possibilité de juridiction numérique réelle, de contrôle qui consisterait à inventer de nouvelles régalités notamment grâce aux « Smart Contract », qui ont initialement émergé avec la monnaie et peuvent aujourd’hui se déployer autour du document numérique. Fonctionnellement toutes les applications Blockchain nécessitent d’abord le chainage et le partage de cellules ou de blocs d’information partagés selon un protocole uniforme entre des acteurs utilisateurs répartis sur un réseau (généralement Internet). Par principe ces blocs d’information sont continument répliqués, informatiquement mémorisés, comparés, mis en application par tous les nœuds du réseau (les mineurs). Ces blocs ou contrats délivrent donc des informations destinées à des humains ou à des automates (par exemple un échange financier, une transaction juridique, un vote institutionnel ou politique, l’activation automatique ou par voie humaine d’une rétribution de droits d’auteur, etc.). La technologie de la blockchain n’est compréhensible que dans le cadre plus large du système techno-numérique global. Elle instancie N facettes d’usage de sa technologie mère : le partage peer to peer de registres distribués. C’est donc bien formellement une manière parmi d’autres de gérer, partager, retrouver, gérer les métadonnées relatives à des documents. Ces nouvelles modalités d’appréhender les documents (donc d’habiter les espaces documentaires) nous ne pouvons éviter de les situer dans le contexte historique qui a permis leur émergence : l’Internet, la lignée des langages à balises (SGML, HTML, XML), le Web. Aujourd’hui plus d’un demi siècle a passé depuis les pionniers de ces langages à balises. C’est le temps du renouvellement d’une génération active. Ceux qui habitent ces nouveaux espaces informationnels le vivent comme une réalité sociale numérique allant de soi alors que la génération précédente en avait creusé les fondations et bâti les structures. Pour le grand public utilisateur, mais aussi pour les experts les plus techniquement informés il apparaît d’évidence que ce système techno-numérique mondial offre beaucoup de facilités quotidiennes.

L’HABITER DOCUMENTAIRE

Traditionnellement la documentation peut être globalement définie comme une activité destinée à organiser, en aval de la production du document et de sa mise en collection accessible, une heuristique de leur récupération en vue de consultation. Cette « médiation documentaire » sous-tend a priori que les collections deviennent de plus en plus difficilement consultables (on pourrait dire inhabitable) sans outils documentaires ; ou encore, qu’il est interdit aux usagers d’y entrer : bibliothèque non en « libre accès », réserves précieuses des bibliothèques patrimoniales, fonds d’archives tout ou partie soumis à un régime de consultation restreinte, etc. Soulignons, que si une modeste bibliothèque privée peut facilement être parcourue, sans organisation d’aucune sorte, au-delà de quelques milliers d’ouvrages, il devient indispensable d’adopter ad minimum un rangement alphabétique par nom d’auteur. Ce seul ordre arbitraire trouve vite ses limites, notamment hors du champ spécifique de la littérature générale, lorsque la célébrité des auteurs cesse d’être l’entrée première : ouvrages scientifiques, livres d’arts, littérature documentaire, il y a alors un conflit spatial de rangement. Le bien habiter, le bien parcourir d’une telle bibliothèque (voire médiathèque) peut parfaitement fonctionner jusqu’à des centaines de milliers d’ouvrages à condition de savoir faire partager un code d’ordonnancement spatial (bibliothèque en libre accès) articulé de façon au moins double : sur un code thématique (type Dewey notamment), puis un rangement alphabétique par auteurs ou sujet : c’est ce qu’ont fort bien démontré la BPI et quantité de bibliothèque municipales ou universitaires. N’oublions pas néanmoins, que la question de l’indispensable articulation d’une bibliothèque libre accès associant le thématique encyclopédique avec l’alphabétique est une exigence documentaire et cognitive que les cultures idéographiques appréhendent (vivent, parce qu’une langue ou une écriture s’habite) avec beaucoup plus de confort que les cultures alphabétiques[1]. En effet l’ordre des clefs chinoises (identique en chinois et en japonais) constitue la classification première pour classer la totalité des idéogrammes chinois (et des kanji japonais) puis cela s’articule pour chacune de ces clefs sur l’ordre arbitraire du nombre de traits calligraphiques ajoutés à la clef. Tout idéogramme est obligatoirement construit en partant d’une clef qui lui sert de premier composant constitue, assez souvent, une première piste d’indication thématique. En effet même si assez souvent le lien n’est qu’étymographique (et en même temps étymologique), des pans considérables du lexique se déclinent autour d’une seule clef[2]

L’ergonomie de l’habitabilité documentaire

Il est trivial de constater que la numérisation des documents, et plus encore leur mise en ligne, (qu’elle soit restreinte ou ouverte) permet à l’usager, où qu’il puisse être dans le monde, d’habiter potentiellement au centre de toutes les collections numériques. Mais cette mise en ligne mondiale exigeait une redéfinition universelle de l’architecture de l’information.

Soulignons que tout habitat s’inscrit (pour nos civilisations modernes et sédentaires) dans une opposition fondatrice : ouverture fécondante sur le dehors, à la fois locale (les espaces communs de la cité) et globale (ouvert au monde[3]) ceci étant en permanente interaction avec la fermeture sur le dedans (l’intime de la maison, le secret des affaires de la boutique ou de la fabrique). Soulignons également que l’habitat, l’urbanisme – comme l’habit ou même la langue - sont fortement territorialisés et constituent une interface de conflictualité dans la tentative de modifier le territoire de l’extérieur, confrontés à la réalité des écosystèmes qui leur résistent. Les langages à balises de la famille ML (Markup Langages) inaugurent précisément une mutation fondamentale parce qu’ils permettent de construire de façon adaptée à chaque lieu et à chaque usage les clôtures, les bornages en convenance[4] avec la destination de l’information ainsi signalée. Ces Markup Langages sont aussi conçus sous une forme qui est Man & Machine-Readable. Filant la métaphore de l’habitabilité informationnelle et documentaire nous dirions que le balisage, le bornage structurel qu’ils établissent est tout à la fois exécutable par une machine et lisible, appréhendable par des humains. Cela en fait donc des espaces informationnels techniquement sophistiqués et complexes mais qui, en mode d’exploration pas à pas sont facilement appréhendables : nous dirions facile à vivre. C’est dans le contexte de la documentation industrielle notamment aéronautique et militaire qu’apparait vers la fin des années 1960 le langage SGML. Il s’agit précisément d’élargir le savoir-faire du balisage formel et typographique pour l’élargir à des usages de versioning complexes, d’accès sémantique et réaliser en numérique des systèmes documentaires visibles.

Insistons sur l’apport fondamental de cette technologie pour construire des catalogues de bibliothèque interopérables sous le format MARC. Pour la première fois la salle des catalogues de la Library of Congress s’ouvrait, devenait communicante avec toutes les salles de catalogue des grandes bibliothèques du monde. Véritablement les lecteurs usagers de ces grandes bibliothèques de recherche voyaient s’ouvrir un espace unique de consultation catalographique proprement inimaginable quelques années plus tôt.

Mondialisation et distorsions de l’habitabilité réelle : l’homme-document et le territoire-document

Le SGML, le format catalographique MARC n’étaient que les avant-coureurs d’une mutation plus radicale encore : celle du Web. S’appuyant à la fois sur le potentiel structurel, référentiel et sémantique de SGML et l’opportunité de connexion planétaire du réseau Internet[5] les physiciens du CERN[6] et tout un faisceau de synergies convergentes notamment les responsables américains d’Internet, le web a fait émerger une pluralité d’habitats communicationnels adaptés aux diversités d’activités et au grand-public.

Nous habitons avec plaisir ses multiples sous-univers (mail, GPS, espace de recherche internet, TV et radio numérique, smartphone, réseaux sociaux, achat en ligne, Uber, etc.) mais nous savons aussi quel est le poids de la confiscation de richesse opérée par les multinationales du numérique GAFAM et BATX. De la capture à la destruction de la prospérité locale sur certains territoires à la détérioration de l’harmonie urbaine, puis celle de l’habitat, le pas est vite franchi. La responsabilité des GAFAM dans la destruction des « cœurs de ville » est réelle, comme est réelle leur responsabilité dans la destruction de l’harmonie sociale, notamment par les réseaux sociaux qu’ils proposent. Cela s’ajoute au fait que depuis plusieurs décennies le système mondial d’information Internet, n’est en fait qu’un « Squat de l’US Army ». Habiter l’information mondialisée agit directement sur la cité et commence déjà à déliter son ciment social.

Le tournant de « L’Homme-Document »[7] redéfinissait en profondeur les liens entre identité, unité et indexation du sujet. Sa nouvelle enveloppe ou habitèle augmentée (Boullier, D., 1999), enregistre et concentre les traces de ses activités comme de ses appartenances notamment par la médiation de son Smartphone et alimente de grandes bibliothèques extraterritoriales. Dans une perspective analogue, nous observons une transition progressive des territoires urbanisés vers ce que nous pourrions appeler également sur un plan techno-epistémologique un « Territoire-Document ». Si nous réinterrogeons aujourd’hui les conditions éthiques d’un style d’écriture de l’« Homme-Document », au prisme notamment de la bataille[8] sur la protection de ses données personnelles nous devons conduire la même analyse sur les modalités de diffusion des données sectorielles et d’écriture du « Territoire-Document », modalités jusqu’alors dominées par les stratégies de capture menées par les coalitions de croissance (Mouren, R., 2018) et les dynamiques de marchandisation des territoires. Cette analyse serait alors susceptible de redéfinir sous certaines conditions de nouvelles modalités de dé-limitations locales des bibliothèques territoriales, du point de vue de leurs règles de fonctionnement, des typologies de données récoltées et de l’interopérabilité nécessaire à leur mutualisation dans une approche intégrée et multicritère. Dé-limitations aussi de la diffusion des documents produits, de leur ré-articulation volontaire et sous certaines conditions de partage à échelle globale, de manière à poser les bornages structurels de convenance au sein d’une habitabilité documentaire mondialisée (Faure-Muntian, V., 2018).

Le potentiel généré́ par l’explosion des données territoriales reste encore aujourd’hui largement sous-exploité (ADEME, 2016), il ne fait aucun doute que ce potentiel n’aura pas échappé aux géants du numérique. Il s’agit dès lors pour les territoires de développer une meilleure maitrise de l’ensemble des informations propres à renseigner et nourrir cette compréhension locale, notamment par la diversification des sources (savoirs experts, savoirs contextuels), la mobilisation des nouvelles possibilités offertes par l’IA et une collégialité en terme de règles de fonctionnement de l’habitabilité des bibliothèques territoriales ouvertes sur le monde.

Les enjeux du « territoire-document » : collégialité et souveraineté

Depuis l’Etat Statistique des physiocrates au XVIIIème siècle, les « Proto-Territoires-Documents » ont largement été dessinés, écrits et calculés dans une approche à dominante quantitative, qui reposait sur des modalités discontinues, diachroniques de recueil et de traitement des données, de manière à produire des modèles référentiels classiques, ex-ante, des documents qui deviendront plus tard des Plans Quinquennaux ou des Schémas Directeurs pour les territoires urbains.

Ces documents ordonnaient des pratiques possibles afin d’atteindre un horizon idéal, dont le caractère diachronique permettait de réajuster la tension permanente qui habite chaque territoire urbanisé entre protension – ce vers quoi la gouvernance du territoire tend, son désir et ses projections – et rétension – ce qui dans le moment présent réactualise le passé, mais aussi les liens subtils d’interdépendance avec les sites géographiques comme les liens de co-évolution avec les écosystèmes biologiques. Ce caractère diachronique présentait l’avantage de ne jamais déconnecter la mesure de son étape préalable de convenance (Desrosières, A., 2014). En effet le danger de la quantification réside dans une réification des produits de ses procédures et un oubli progressif des conventions à partir desquelles ces produits s’originent (la méthode). Le risque serait de retenir uniquement la mesure et de naturaliser l’objet. Ces mesures communes, dès lors qu’elles sont déconnectées de leurs conventions sociales, courent le risque de devenir des objets dépolitisés, des allant-de-soi.

L’Etat Plateforme (O’Reilly, T., 2011) du XXIème siècle hybride à ces modèles référentiels classiques, des modalités d’analyse synchroniques de données recueillies en temps réel par une multiplicité de capteurs, traçant des liens relativement concrets, définis préalablement par des indicateurs et analysés algorithmiquement, qui tracent et écrivent les nouvelles cartographies de l’Intelligence Territoriale[9] pour l’aide à la décision et la gouvernance locale. Ces dispositifs numériques de documentation territoriale constituent un continuum à la fois synchronique ou temps réel, mais aussi syntopique qui recouvre telle une seconde peau les territoires urbanisés. La modélisation numérique du territoire donne accès à une somme d’informations considérables sur les écosystèmes humains, non humains, artificiels ou biologiques des territoires, capteurs, Internet des Objets, Oracles, réseaux 5G, autant de parties élémentaires simples qui filtrent et recueillent de l’information sous forme d’unités discrètes, simple mesure quantitative déliée du contenu et du sens du message émis.

Cette modélisation du réel par discrétisation doit en premier lieu devenir plus démocratique, les acteurs déterminent collégialement ce qui compte et doit être mesuré dans leur environnement. Elle doit ensuite défendre une dimension souveraine en évitant que des multinationales du numérique branchent sur les territoires leurs services extra-territorialisés d’extraction et d’analyse des données, car l'opacité qui entoure ces procédures, leurs “recettes secrètes” qui vont parfois jusqu'à l'invisibilité, écrasent la convenance au profit d'une naturalisation de la mesure, qui s'étend par les réseaux numériques de manière exponentielle et exerce sur les territoires une autorité extra-territoriale proche de la Loi. Ces deux objectifs limitent le risque d’ontologiser l’information au sein de notre vision du monde et maintiennent l’équilibre entre protension et rétension.

« Le territoire document » une notion rétive au systématisme

Ces nouvelles manières d’exprimer et d’écrire le territoire génèrent par leurs cadres cognitifs et éthiques, des effets concrets, ils construisent une réalité sociale mais portent aussi une vision d'avenir, une protension. Passer ainsi du territoire au modèle en oubliant la convenance conduit à faire apparaitre un régime de possibles en principe illimité qui fait à nouveau courir le risque d’une décontextualisation disloquante du territoire. Cette notion de convenance, à replacer au cœur du « Territoire-Document », défend une construction éthique des modèles conceptuels de données territoriales multi acteurs, des architectures de plateformes numériques qui organisent la récolte, l’appariement, le traitement, l’analyse des données et l'élaboration des algorithmes de calcul, c’est notamment ici tout l’enjeu de la « bataille de l’explicabilité » algorithmique (CNIL, 2017).

L’atout inhérent à une production de « territoires-documents » démocratiques et souverains, réside dans le fait qu’ils ne constituent pas une catégorie homogène. Il existe autant de chaines de production que de types de données, voire plusieurs chaines pour un même type. La coordination des acteurs s’opère alors efficacement dans les limites d’un projet local partagé qui génère une communauté d’intérêts, une compréhension partagée des objets qui induit des règles de gestion documentaire au sein des bibliothèques territoriales. Une coordination régalienne rigide, Top-Down, risquerait d’aller à l’encontre de l’agilité recherchée[10], en revanche cette coordination peut jouer un rôle de facilitateur d’accès (la médiation) et encourager dans une démarche normative la constitution de référentiels communs (CEN CENELEC, ISO JTC1). Ajoutons à cela, que dans un contexte de transformation numérique la distinction s’estompe entre producteur et usager des données territoriales, et constitue dès lors un levier important pour impliquer l’habitant comme co-producteur de ces « Territoires-documents » et co-prescripteur des règles de fonctionnement de leurs bibliothèques. Dans ce contexte, les architectes numériques peuvent alors réinscrire le decor[11] au cœur de leur ouvrage, afin de convenir avec les acteurs du territoire, ses habitants de nouveaux objets, nouvelles mesures et indicateurs, algorithmes, modèles conceptuels et physiques de données, vocabulaires, de s’y tenir dans la durée grâce aux smart contracts, autant d'outils numériques pour lesquels il est essentiel de convenir collectivement afin de voir, comprendre, légitimer et décider d’actions politiques à partir des « Territoire-Documents » qui auront été co-produits pair à pair et accessibles dans des bibliothèques territoriales.

Si nous ne changeons pas de cap, si nous sommes incapables d’activer des stratégies « territoriales documentaires », de formaliser la réalité et la primauté du local sur le global dans une logique d’articulation selon laquelle le local se subordonne le global, si nous ne percevons pas les risques non seulement économiques mais aussi environnementaux que cela nous fait courir, alors la réalité sociale numérique détruira notre réalité sociale ordinaire. Les technologies blockchain sont à même (sont déjà) en situation de construire d’autres modalités d’échange économique socialement et localement contrôlées, d’interagir sur le contrôle citoyen urbain, de proposer de l’e-gouvernance plus judicieuse. Nous pourrions ainsi ré-infléchir une urbanisation et un habiter informationnel plus harmonieux.

BLOCKCHAIN ET DÉCENTRALISATION DOCUMENTAIRE

La technologie blockchain est surtout connue par l’usage spécifique qui en est fait avec les monnaies numériques notamment le Bitcoin. Rappelons que, comme son nom l’indique, cette méthode d’échange d’information (la transaction monétaire est un échange d’informations) consiste à chainer ensemble des cellules d’information (block) et de les enregistrer sur des réseaux distribués.

Leur spécificité tient d’abord à la robustesse du contrôle de conformité et de fiabilité qui leur a permis de s’appliquer d’abord à l’échange monétaire : c’est une technologie qualifiable de « fiduciaire » (du latin fidere se fier), mais cette confiance repose sur la preuve apportée par une solution technique et non sur la confiance dans un intermédiaire (Etat, banque centrale…). Celle-ci découle du principe que les cellules d’information sont intégrées dans un registre qui s’appuie sur un réseau de pairs, mais aussi du contrôle de conformité des cellules et de leur contrôle de conformité, par consensus à travers l’opération de minage. Cette répartition collégiale en réseau sur l’espace de l’Internet constitue la deuxième spécificité et se rapporte à « chain ».

Grace à la blockchain a émergé un certain nombre de monnaies numériques comme le Bitcoin ou l’Ether, il est possible d’envisager une émission décentralisée, à laquelle on accorde sa confiance fiduciaire. La remise en cause de l’Etat comme tiers de confiance et la contractualisation des interactions seraient un révélateur d’une « reféodalisation du droit par la blockchain » selon l’expression de l’historien du droit Nicolas Laurent-Bonne (Laurent-Bonne, N., 2019). D’après la définition fonctionnelle de la monnaie, celle-ci doit répondre aux trois conditions être une unité de compte, une réserve de valeur et un vecteur d’échanges. Plusieurs crypto-actifs comme le Bitcoin ou l’Ether sont devenus relativement liquides grâce aux plateformes d’échange de crypto-actifs (exchanges) et répondent au moins en partie à la définition fonctionnelle de la monnaie (Hayes, A. S., 2017).

La technologie blockchain a donc fait émerger une façon innovante de pouvoir échanger, thésauriser, consulter et utiliser des informations : de vivre en quelque sorte au milieu d’elles en les partageant collégialement. Si initialement, les premiers usages de la blockchain étaient axés strictement sur des transactions simples, l’apparition des « contrats intelligents » (smart contracts) a fait émerger une multitude de possibles dans les usages de la blockchain comme cadre technique désintermédié facilitateur d’interactions portant sur des preuves documentaires.

Cette transformation n’est pas nouvelle pour les documentalistes, qui ont été amenés à évoluer même avant l’apparition du Web, mais la philosophie technique peut avec la blockchain avoir des incidences plus radicales, en ce qu’elle permet de prévoir une partition entre d’une part, ce qui est informatif et nouveau et d’autre part ce qui relève de procédures plus contractuelles ou robotisables dans le flux d’information.

Les métiers de la documentation et leur désintermédiation par la blockchain

Nous pointons ici la mutation potentiellement prochaine qui pourrait toucher nombre de professionnels travaillant actuellement selon des modalités documentaires et archivistiques. Nous ne prétendons pas, tout au moins à court terme, que les archives centralisées des institutions gérant des brevets industriels, des copyrights, des droits d’auteurs, non plus que les archives notariales, les cadastres, les archives, financières, commerciales et de multiples autres contrats ou archives protéiformes cesseront d’exister au profit de blockchains omniprésentes, ubiquitaires et multidupliquées, donc pérennes. Nous soulignons néanmoins que cette nouvelle technologie questionne frontalement un pan conséquent de l’emploi documentaire. Ainsi, de nombreux professionnels qui documentaient des produits, des services, des échanges (financiers, économiques, transactions diverses, troc, expressions de choix sociétaux par exemple électoraux...), des œuvres de l’esprits, des propriétés diverses (mobilières ou immobilières), des recueils règlementaires ou juridiques, des cahiers des charges et autres feuilles de route vont progressivement être amenés à adapter leurs savoir-faire pour tenir compte de documents et opérations enregistrés sur des blockchains.

Parmi les cas d’usages potentiellement perméables à cette technique, les brevets, les copyrights, les droits d’auteurs nécessitent actuellement d’être documentés en amont à la fois de façon spécifique à chaque item, mais ces œuvres de l’esprit dépendent aussi (dès qu’ils sont fabriqués, distribués, édités...) dans tels et tels territoires et sous telles et telles conditions d’être dépendants de pluralité de législations, mais aussi règlementations, accords et consensus divers associés. L’horodatage décentralisé de la blockchain permet à une œuvre d’avoir « techniquement » une date certaine, comme une version améliorée et moins couteuse de l’enveloppe Soleau de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle.

Les algorithmes de reconnaissance et de comparaison, assimilés à une sous-catégorie de l’intelligence Artificielle, peuvent vérifier les similarités entre deux œuvres avec un niveau de détail important et cela même sur des bases documentaires peu ou pas indexées par des êtres humains. La blockchain permet de suivre avec un niveau élevé de transparence les opérations demandées et réalisées par une machine.

La blockchain est ainsi au cœur des dispositifs de RegTech et de ComplyTech puisqu’elle est une technique permettant à un acteur d’apporter des preuves horodatées de sa bonne foi par la démonstration de la mise en place et de la mise en œuvre de dispositifs visant à assurer un suivi. Pour reprendre le cas du droit d’auteur, il serait par exemple envisageable à terme, d’écarter la responsabilité d’un éditeur publiant une œuvre contrefaisante, en prouvant avec un horodatage blockchain du résultat qu’il a agi de bonne foi et mis en œuvre un dispositif technique anti-plagiat considéré comme fiable par l’homme du métier avant la publication de l’œuvre[12].

Dans la même logique, les employés du cadastre qui sont héritiers de méthodes plurimillénaires permettant de transmettre un savoir social indispensable au fonctionnement des sociétés sédentarisées pourraient connaitre des évolutions dans leurs process de travail en cas de généralisation de l’adoption de la technologie blockchain. Pour autant, la refonte de cadastres dans des Etats disposant de systèmes cadastraux performants ne présente pas un intérêt crucial en l’absence de généralisation des smart contracts ou de crise de confiance généralisée. Dans les pays n’ayant pas ou peu d’archives cadastrales cette proposition de création, souvent expérimentale, de blockchain cadastrale séduit mais la faisabilité reste encore à démontrer. Par exemple, Bitland est un projet prévu pour déployer des blockchains dans des pays sans cadastre, comme le Ghana. Bitland permettrait ainsi d’assurer transparence et sécurité dans la preuve des droits sur des parcelles et dans les opérations foncières. La mise en place d’un cadastre permettrait ainsi de créer une plus grande fluidité sur ce marché et par conséquent un accès facilité au crédit hypothécaire. Pour autant, les difficultés connues dans certains pays comme le Ghana en matière d’accès aux infrastructures nécessaires à l’accès à internet rendent encore difficile pour l’instant le déploiement à grande échelle d’un tel projet de blockchain cadastrale.

La blockchain pour repenser la prospérité, la durabilité, l’habitabilité du territoire et de ses bibliothèques

Une grande partie de la conception et des initiatives de villes et/ou de territoires dits intelligents reposent sur les objets connectés et la blockchain permet d’expliciter et enregistrer de manière ouverte et transparente les interactions entre ces objets connectés entre eux et avec leur environnement. Les systèmes dits « oracles »[13] sont des dispositifs déclaratifs incitant à la transmission d’information utiles et véridiques sur la blockchain. Une partie des oracles sont des objets connectés munis de capteurs et utilisés pour déclencher des fonctions de smart contracts dès que la donnée captée (température, vibration, pression…) correspond à celle prévue comme l’évènement de déclenchement d’une condition du smart contract. La blockchain permet de repenser l’habitabilité et le territoire selon un approche pair-à-pair. Une illustration de ces développements sont les smart grid communautaires fonctionnant sur blockchain (Donglan,L & All.). Les projets dans ce domaine sont très nombreux, on peut noter par exemple le projet Brooklyn Microgrid testé depuis 2016 pour déployer un commerce local d’énergie solaire entre voisins à Brooklyn reposant sur un dispositif désintermédié et transparent fonctionnant grâce à une blockchain.

La blockchain en tant qu’outil dépassant les questions de confiance interindividuelle pour échanger permet de créer un tissu social et économique transparent, glocal[14] et modulaire.

La blockchain et la e-gouvernance possible des bibliothèques

Avec les smart contracts, les registres blockchain disposent d’outils d’interactivités avancés susceptibles par exemple d’organiser des votes et de leur faire produire des effets immédiats au sein du protocole. Les Decentralized Autonomous Organization (DAO) permettent d’organiser des votes sur propositions grâce à des smart contracts basiques, via des blockchains comme celle d’Ethereum qui a popularisé cet outil. Les DAO sont conçues structurellement pour permettre de solliciter ou d’exprimer des avis au sein d’un réseau décentralisé. Avec la blockchain ces solutions sont intéressantes puisqu’elles permettent de faire reposer ces votes sur des solutions techniquement assez fiables en termes de sécurité. La blockchain est donc expérimentée à la fois pour réaliser des votes électroniques pour des élections locales comme par exemple en Suisse ou déployer des plateformes de co-construction démocratique de démocratie directe ou liquide (voir par exemple Democracy OS[15]) Cette e-gouvernance offre possiblement la capacité de développer des bibliothèques ouvertes sur le monde, dans lesquelles la blockchain conforterait l’éthique territoriale alors définie de manière collégiale.

CONCLUSION

L’hypermodernité s’est superposée à un territoire qui apparaît aujourd’hui mal pris en compte dans sa dimension écosystémique, tant du point de vue du droit que de celui de nos infrastructures et de nos pratiques numériques, au point où le problème ne semble plus relever d’un risque de confusion entre la carte et le territoire selon l’aphorisme d’Alfred Korzybski, mais d’une véritable fusion du territoire dans la carte qui est de plus écrite depuis l’extérieur. Ce Constat amenait Glenn Albrecht à forger la notion de Solastalgie (Albrecht, G. 2005), les habitants d’un territoire privés du réconfort de se sentir en terrain connu ont le mal du pays sans avoir bougé de chez eux, ils deviennent des sortes de migrants de l’intérieur, quittés par leur territoire. Glenn Albrecht écrit que « la solastalgie est le fait de sentir que le monde que l’on croyait arpenté, cadastré, documenté, élucidé en tout point est redevenu inexploré. Paradoxalement, c’est comme si ce sentiment avait un potentiel mobilisateur ». Lorsque le territoire jusqu’alors familier se trouve bouleversé, abimé, les habitants réalisent qu’il n’a jamais été « donné » et qu’il est alors fait de négociations continuelles, auxquelles il s’agit désormais de prendre part et d’entamer un nouveau processus de sémiotisation de l’espace, résultat d’un corps à corps entre espace informé et espace environnemental. Une nouvelle articulation du droit, des normes et des techniques d’information et de communication serait alors susceptible de redéfinir le statut et les fonctions des bibliothèques territoriales. Le statut du « Territoire-Document » ne serait alors pas celui d’une cartographie périmée, qui exigerait une simple mise à jour (démarche de prévision, de prévisibilité), mais nécessite une profonde transformation dans la manière de viser la matérialité même du territoire et ce dans tous ses liens subtils écosystémiques, géographiques mais aussi d’interdépendances territoriales, en replaçant alors au cœur de la modélisation la résistance et la conflictualité propre à la symbolisation dans ses corps à corps avec le réel. Sartre écrivait que « le corps est la première situation », unité d’être et condition de toute temporalité et spatialité. Exister c’est être situé. Si les habitants parviennent à se réapproprier progressivement les conditions d’écriture de « l’Homme-Document », ils devraient alors parvenir à se réapproprier collectivement l’écriture du « Territoire-Document ». Les grandes collectes, lancées par les archives nationales[16] qui alimentent la recherche historique (guerre 14-18, l’histoire des femmes, l’Afrique et la France) ou scientifique (« Mission Printemps » avec CNRS Images, Universience et Arte) viennent enrichir collectivement un patrimoine commun et ouvrent des pistes de réappropriation d’un dire et d’un écrire collectivement le territoire. Des techniques décentralisées comme la Blockchain, les tentatives d’harmonisation ISO des schémas conceptuels de données des « Villes et Territoires durables et Intelligents », devraient pouvoir constituer de nouvelles formes d’espace du dire susceptibles d’accueillir cette dynamique de réappropriation du dire le territoire, de fabriquer un « Territoire-Document » apte à décrire nos conditions réelles et pratiques d’habiter. C’est à cette condition que nos liens subtils de co-évolution avec les écosystèmes, d’interdépendances territoriales, qui restaient jusqu’alors extérieurs aux modèles, seront susceptibles de passer à l’intérieur afin de réinscrire la documentation de nos territoires au sein de bibliothèques numériques glocales, habitables et durables.

BIBLIOGRAPHIE

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[1]La sempiternelle question de devoir arbitrer entre l’ordre logique d’une encyclopédie difficilement conciliable avec l’ordre systématique et arbitraire des dictionnaires.

[2] L’exemple le plus emblématique étant celui de la clef de l’arbre (木) sur laquelle se décline thématiquement un immense champ sémantique associé : par exemple, 林 bosquet ; 森 forêt ; 巢 Nid ; 果 Fruit ; 采 Cueillir. 桀 Gibet. 宋 Cabane en bois ; 焚 Brûler ; 本 Racine. 末 Cime ; ???? Arbre têtard (sans tête) ; 束 Fagot.

[3]Glocal

[4]De convenir : venir ensemble. Notion latine empruntée à Cicéron, qui la définissait comme « attitude sociale convenable ». La convenance, qu’il nommait decor est une honestas, qui repose sur les trois vertus : respect (uerecundia), la tempérance (temperantia) et la pondération (modestia). La convenance ou decor, s’articule à l’officium, que l’on traduit par office ou encore « devoir ». La convenance permet qu’une action soit légitimée, communément acceptée, elle fera simultanément office d’autorité de manière à ce que cette dernière puisse être conduite. Vitruve écrit : « La convenance est l’apparence sans défaut d’un ouvrage composé d’éléments justifiés, et qui s’accompagne d’autorité », il insiste particulièrement sur cette qualité première de tout geste architectural (ou urbanistique) qui doit « convenir » à chaque situation : un palais dans la cité, une villa campagnarde, un temple ou un théatre. Le statisticien français Alain Desrosières accorde à cette notion une place essentielle dans les processus de quantification du social qui se décomposent en deux actions : convenir puis mesurer. Convenir c’est se mettre socialement d’accord sur ce qui va être laissé de côté dans la tentative d’objectivation de la réalité, c’est une opération de filtrage propre à toute activité de modélisation, il y a toujours un reste. Convenir est une mise en scène de l’objet social, un décor que l’on construit tout autour afin de le faire émerger, le légitimer et pouvoir conduire dans un deuxième temps l’action de mesure.

[5]Déjà populaire dans le monde académique grâce à son service de messagerie.

[6]Le projet initial de Tim Berners-Lee était destiné à l’origine au partage mondial d’informations entre physiciens. Le nom du projet (World Wide Web) deviendra Web, mais Tim Berners-Lee avait aussi pensé à d’autres noms, notamment The Information Mine, dont le sigle était TIM. Cela préfigure la notion de mine et des mineurs d’information fondamentale dans la technologie blockchain.

[7]« nous sommes aujourd’hui entrés dans un troisième âge documentaire : celui qui systématise l’instrumentalisation de nos sociabilités numériques ainsi que le caractère indexable d’une identité constituée par nos traces sur le réseau, indistinctement publiques, privées ou intimes […]Bienvenue dans le World Life Web. » Ertzscheid, O., (2009)

[8]« Le premier acte de la « bataille de l’IA portait sur les données à caractère personnel. Cette bataille a été remportée par les grandes plateformes. Le second acte va porter sur les données sectorielles : c’est sur celles-ci que la France et l’Europe peuvent se différencier. » Villani, C., (2018)

[9] Notons que la notion d’Intelligence telle qu’elle est ici utilisée en français, dérive du terme anglais qui se traduit par renseignement (Business Intelligence, Central Intelligence Agency…). L’intelligence territoriale regroupe : le Renseignement d'Origine Image ou ROIM (en anglais, Imagery Intelligence ou IMINT). Le Renseignement Geospatial (GEOINT) permet de corréler les informations, dans l'espace et dans le temps afin d'approfondir la compréhension d'un phénomène, d'un territoire et de ses enjeux. Cette discipline d’approche est globale, elle permet de contextualiser des informations d’origines variées en les fusionnant sur un référentiel géographique commun, elle tire profit de la complémentarité des différentes disciplines du renseignement et fait appel à de nombreux savoir-faire techniques. Sa logique de partage va à l’encontre du modèle traditionnel de fonctionnement en silos. C’est cette transversalité qui permet de fluidifier les échanges et de garantir la supériorité informationnelle : planifier et conduire des opérations, apporter une meilleure compréhension de l’environnement opérationnel, accroître l’efficacité comme la réactivité des actions déployées sur un territoire. Le Renseignement d’Origine Humain ROHUM (HUMINT), est un renseignement dont la source est un individu.

[10] Rappelons à ce sujet que la politique d’Open-Data conduite par l’Etat Français, n’envisage pas les données de référence sous le rapport de leur production, mais de leur diffusion.

[11] L'architecte romain Vitruve nommait cette dimension éthique de la convenance : decor.

[12] Cette approche fait d’ailleurs échos au constat en France au constat de la judiciarisation de l’édition et à la demande formulée par le Syndicat National de l’Edition dès 2003 dans son « Livre blanc – Justice et édition : plaidoyer pour une justice adaptée » d’admettre pour la contrefaçon de titre que : « la consultation de la base de données Electre, base de données bibliographique de référence pour l’édition française, suffit à exonérer l’éditeur de sa responsabilité ».

[13] Voir par exemple les projets : Oraclize ou Augur.

[14] Notion issue du terme japonais dochakuka qui fait référence à l'adaptation d’une technique agricole aux conditions locales. La glocalisation désigne les processus par lesquels des références partagées, des modèles parfois imposés, des valeurs, des discours, des récits et des techniques circulant à l'échelle planétaire sont appropriés pour faire sens dans un temps et un milieu particulier

[15]  https://democracyos.eu/

[16]  « L’idée de la « Grande collecte » est née en 2010 à l’université d’Oxford, dans le cadre de la bibliothèque numérique européenne Europeana : c’est là que germa l’idée de proposer aux particuliers d’apporter leurs souvenirs de la Grande Guerre pour qu’ils soient numérisés. En France, l’initiative en est revenue au Service interministériel des Archives de France et à la Bibliothèque nationale de France (BnF). D’un commun accord, ces deux institutions ont décidé d’établir la collecte sur un réseau structuré de points d’accueil (services d’archives et bibliothèques municipales) » Stoll, M., (2017).

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