N°9 / Les enjeux et les défis de la fonction d’évaluation en sciences de l’information et de la communication

Vingt ans de formation à distance à l’EBAD : analyse d’un dispositif pédagogique africain d’enseignement des sciences de l’information

Moustapha Mbengue, Djibril Diakhaté

Résumé

Cet article apporte des éléments de réponse à l’interrogation sur les enjeux de la formation à distance en sciences de l’information en Afrique. Il étudie particulièrement la FOAD de l’École de Bibliothécaire archiviste et documentaliste (EBAD) au Sénégal pendant la décennie 2008-2018. L’analyse s’inscrit dans le cadre théorique de l’évaluation et elle s’inspire de la méthode Kirkpatrick (1959). L’approche consiste à analyser les motivations des apprenants, les connaissances acquises et leur capitalisation. L’étude est réalisée sur un échantillon de 100 apprenants choisis à travers une méthode d’« échantillonnage raisonnée ». Les résultats de l’étude montrent que le dispositif pédagogique a atteint ses limites et qu’il n’est plus véritablement adapté à l’enseignement de certaines matières techniques en SIC. Le modèle n’est donc pas reproductible en l’état.  

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Abstract : This article provides answers to the question on the issues of distance learning in Africa. It is studying the e-learning Program of the School of Library, Archives and documentation studies (EBAD) in Senegal during the decade 2008–2018. The analysis is part of the theoretical framework of the evaluation and is inspired by the Kirkpatrick method (1959). The approach consists of analyzing the motivations, knowledge and capitalization of EBAD learners from a sample of 100 learners. The results of the study show that EBAD's FADIS has reached its limits and that the model is no longer suitable for teaching technical courses. This model is also not reproducible in its current state.

Keywords : Evaluation, distance learning, ICT, Internet, EBAD, Senegal  

 

INTRODUCTION

Le Sénégal est confronté aujourd’hui à la saturation des effectifs dans l’enseignement supérieur. À tire d’exemple, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) compte plus de quatre-vingt mille (80 000) étudiants alors que sa capacité d’accueil est de seulement dix mille (10 000) places. Chaque année, plus 20 000 nouveaux bacheliers souhaitent être orientés à l’Université de Dakar. Entre autres solutions, l’État sénégalais a choisi d’orienter des nouveaux bacheliers dans des écoles et universités privées après avoir mis en place une Université virtuelle dénommée (UVS) qui compte plus de 22 000 étudiants, se plaçant ainsi au rang de deuxième université du Sénégal derrière l’UCAD, en termes d’effectifs. La formation à distance expérimentée à l’Université virtuelle du Sénégal (UVS), et pratiquée à l’EBAD depuis l’année 2000, est aujourd’hui vue comme étant un palliatif voire une panacée aux problèmes des effectifs des universités sénégalaises. À ce titre l’EBAD est toujours citée en exemple par le rectorat de l’UCAD et son modèle se présente aujourd’hui comme étant un exemple à suivre.
 
L’introduction des TIC à l’EBAD est antérieure à la formation à distance. Elle date de 1990 et s’est effectuée dans le cadre d’un projet triangulaire sur l’informatique documentaire, réunissant l’EBAD, l’Université de Montréal et l’École supérieure de l’information (ESI) de Rabah au Maroc. Par la suite, l’EBAD a accueilli l’un des premiers points SYFED[1]   de l’Afrique de l’Ouest installés par l’Agence universitaire de la francophonie appelée à l’époque réseau (AUPELF/UREF), au début des années 90. Ceci a permis de familiariser très tôt les enseignants, les étudiants, et le personnel administratif, technique et de service (PATS) de l’EBAD avec l’ordinateur alors que l’internet n’existait pas encore en Afrique et qu’on ne parlait pas encore de FOAD en Afrique.
 
Démarrée en 2000 sous l’appellation de Formation continue en Information informatisée en Réseau (FORCIIR), avec le soutien de la Coopération française à travers le programme PROCOOPTIC[2], la FOAD à l’EBAD a pendant longtemps été considérée comme un modèle innovant en Afrique. Selon Lô  (2007) « À l’époque, la FADIS, comme on la désigne à l’EBAD, s’appuyait sur un dispositif technique innovant fait de câblage intégral de l’École (60 points d’accès internet) avec un parc informatique de 50 ordinateurs, deux laboratoires d’application et une plateforme d’enseignement à distance conçue localement et bien adaptée aux besoins du programme ». 
 
Au-delà du dispositif technique, le projet FORCIIR, coordonné par la direction de l’EBAD est dirigé par un chef de projet mandaté par la Mission de coopération française, assisté d’une spécialiste de la gestion qui a été recrutée par l’EBAD au départ du chef de Projet. En plus de l’équipe projet, un Comité dénommé « PILOT FADIS » composé de tous les segments de l’établissement (Direction, enseignants, personnel administratif et de service et autres ressources extérieures) participait activement au fonctionnement du projet.
 
Le modèle pédagogique choisi, dès le début de la FADIS, est une approche hybride qui permet de réunir tous les apprenants en début de formation afin de leur permettre de rencontrer pendant trois jours les enseignants pour définir un projet de recherche, se familiariser avec l’équipe pédagogique et maîtriser l’usage de la plateforme. En plus du regroupement de début de formation, les apprenants de la FOAD soutenaient leur mémoire à Dakar jusqu’à ce que l’EBAD expérimente la soutenance par visioconférence avec l’appui des Campus numériques francophones de l’AUF. 
 
En 18 ans (2000-2018) huit cent quatre-vingt-neuf (889)[3] professionnels de vingt-huit (28) nationalités ont été formés à distance (Licence et Master) aux métiers des sciences de l’information documentaire, sans compter l’expérimentation d’une formation dénommée F2 (certification en e-archiviste) pendant deux années pour des travailleurs ou diplômés non spécialisés dans le cœur de métiers auxquels forme l’EBAD.
 
Cette étude n’a pas la prétention de motiver une prise de décision quant à l’intérêt de maintenir ou non la formation à distance de l’EBAD. Son objectif est bien différent ; il vise à analyser un dispositif de formation à distance en sciences de l’information et de la communication très innovant à ses débuts (2000), mais qui, vingt  ans après, malgré les évolutions technologiques et celles des méthodes pédagogiques d’enseignement apprentissage n’a pas connu de changements majeurs.
 
Le « modèle ébadien » répond-il encore aux objectifs des apprenants et aux nouvelles   exigences liées aux métiers des sciences de l’information et de la communication ? Quelles aptitudes et quels profils de professionnels africains des SIC former à distance ? Aussi, à l’heure où l’EBAD semble être un modèle de réussite en Afrique, il serait utile de se demander si sa formation à distance est reproductible. Autant de questions que soulève la problématique de la Formation à distance en SIC Afrique.
 
Nous formulons l’hypothèse que la formation à distance de l’EBAD n’est pas reproductible au point d’être cité à l’Université de Dakar pour résoudre la question des effectifs pléthoriques et qu’il convient d’en analyser le dispositif pédagogique pour pouvoir apprécier le niveau de satisfaction des apprenants, les connaissances acquises en SIC, les effets induits,  la reproductibilité.
 
Après avoir présenté le contexte de la FOAD au Sénégal et à l’EBAD, la deuxième partie de l’article sera consacrée au cadre théorique et conceptuel, la troisième partie à l’approche méthodologique et la quatrième partie présente et analyse les résultats de l’étude. Elle sera suivie d’une discussion sur la reproductibilité du modèle ébadien.

CADRE CONCPETUEL ET THÉORIQUE

L’étude d’un dispositif pédagogique peut s’inscrire dans le cadre théorique de l’évaluation. En l’espèce, plusieurs approches sont utilisées. Cependant, le modèle de Kirkpatrick (1959) nous semble bien indiqué pour analyser la FADIS de l’EBAD. Il convient alors de présenter une revue de la littérature sur la formation à distance en général et la FADIS de l’EBAD en particulier avant de revenir sur l’évaluation et le modèle de Kirkpatrick et les raisons de son choix.

Revue de la littérature sur la formation à distance de l’EBAD

Le concept de « formation à distance » est étudié aussi bien en psychologie du travail qu’en sciences de l’éducation. Selon Gilibert & Gillet, (2010), « La formation est la plupart du temps un concept qui est assez mal défini, tant elle peut prendre des formes variées adaptées à chaque demande, besoin ou contexte ». La formation a pour objectif de transmettre des connaissances qui confèrent une qualification, un grade ou un titre, « une qualification professionnelle » (Djambian & Agostinelli, 2013). Elle peut également conférer une compétence voire un rang social comme le confirment ces mêmes auteurs : « la compétence professionnelle tend aujourd’hui à devenir une compétence sociale ». On peut alors retenir que la formation permet de transmettre, des attitudes ou des aptitudes donc un savoir-faire ou un savoir-être.
 
La notion de distance dans « formation à distance » quant à elle fait référence au mode d’acheminement des éléments de connaissance (les cours), mais elle sous-entend, une absence de co-présence physique entre l’apprenant et son maître. Cette distance qui peut séparer les acteurs de la formation à distance peut-être soit géographique ou temporelle ou les deux à la fois, entraînant alors la nécessité de l’usage d’un artefact pour assurer un échange et une interaction entre les différents acteurs (apprenants, enseignants, institutions concernées).
 
Vingt ans après ce que l’EBAD qualifiait à l’époque d’une « aventure pédagogique », au point de baptiser sa plateforme « Ariane »[4], la FOAD à l’EBAD n’a jamais fait l’objet d’une évaluation par des pairs. Juste quelques études lui ont été consacrées, notamment des communications, Diarra (2005) ; Sow & (Tendeng, 2001) ; Lô (2007); Gaye & Hudrisier (2008). 
 
Loiret (2007) est cependant celui qui a consacré plus d’études à la FADIS de l’EBAD, notamment à travers une thèse de doctorat en science de l’éducation soutenue en 2007 à l’université de Rouen et également dans un article paru dans le vol VI n° 2/2008 de la revue « Distance et Savoir ». Le même auteur analyse, dans un ouvrage collectif dont il est le coordinateur (Loiret, 2012), les facteurs de succès du modèle de l’EBAD. Il qualifie la FOAD de l’EBAD « d’une bonne pratique à reproduire » et dont le succès pourrait être analysé à travers le cadre théorique du « leadership partagé ». Selon cet auteur, « le leadership partagé nous paraît être la principale raison du succès de l’entreprise. Toutefois, nous rajoutons au titre des bonnes pratiques à reproduire, le fait que le projet a bénéficié d’un suivi dans le temps, accompagnant le changement et permettant de bâtir des fondations solides » (Loiret, 2007b). Aussi pour ce dernier, l’adhésion des acteurs de l’École est aussi un élément d’explication de la réussite de « l’aventure pédagogique » de la FOAD à l’EBAD. » Il estime à ce titre que « l’engagement des ressources humaines de l’EBAD, de même que le style de management de l’équipe projet sont des facteurs de succès ». Il rejoint en cela Djambian & Agostinelli (2013) selon qui la relation humaine est au cœur de la formation. Gaye & Hudrisier (2008) annonçait déjà en 2008 dans son  mémoire de fin d’études en SIC que  « La FADIS de l’EBAD peut être une synergie d’efforts et de bonnes pratiques entre l’E-learning et les sciences de l’information - documentation ». 

Le cadre théorique de l’évaluation 

Cette étude s’inscrit dans le cadre théorique de l’« évaluation » qui se définit comme étant une « démarche rigoureuse de collecte et d’analyse d’information qui vise à porter un jugement sur un programme, une politique, un processus, une activité́ ou un projet pour aider à la prise de décision » (Gouvernement du Quebec & Secrétariat du Conseil du trésor, 2016). L’évaluation d’une formation à distance consiste selon Leroux et al., (2017) à « recueillir des informations sur l’apprentissage réalisé par l’étudiant et à les interpréter en vue de porter un jugement et de prendre les meilleures décisions possibles sur le niveau d’apprentissage de l’étudiant et la qualité de l’enseignement ».
 
Notre étude vise plus particulièrement à évaluer notamment un dispositif pédagogique d’enseignement à distance en sciences de l’information et de la communication (SIC) expérimenté pour la première fois en Afrique francophone à l’EBAD afin d’y apporter un regard critique et d’améliorer son efficacité.  
 
Il existe plusieurs approches et autant de méthodes d’évaluation parmi lesquelles le CIRO prôné par Warr et al., (1970) qui s’intéresse à l’efficacité de la formation et le modèle de Kraiger et al., (1993), centré sur le niveau d’apprentissage. D’autres modèles, inspirés de Tinto (1987) et Kember & Mezger (1990) s’intéressent au tutorat et ils sont consacrés aux interactions entre apprenants et enseignants. Aharony (2014) s’intéresse particulièrement à la perception des apprenants en SIC sur le mobile learning.
 
Cependant, le modèle d’évaluation de Kirkpatrick (1959) bien qu’il précède l’avènement du numérique nous semble mieux indiqué pour évaluer la FADIS de l’EBAD. Ce choix est motivé par le fait que notre démarche s’inscrit plus dans une analyse critique que dans une démarche de choix ou d’abandon de la FADIS. Elle rejoint alors Kirkpatrick (1959) en ce qu’il s’intéresse à étudier l'efficacité d’une formation dans le but de la rendre plus performante « mesurer son efficacité et de voir comment l'améliorer ». Par ailleurs, le modèle de Kirkpatrick est selon  Santos & Stuart (2003) celui qui est « le plus utilisé par les professionnels de la formation, mais aussi les chercheurs travaillant sur l’évaluation des actions de formation ». Ce modèle nous semble donc tout indiqué pour évaluer la FADIS de l’EBAD. D’autant plus que cette dernière était à sa création une toute nouvelle expérience qui a su développer ses propres outils et méthodes et que son évaluation peut donc nécessiter la combinaison de plusieurs approches. Conscients des limites du modèle de Kirkpatrick (1959), antérieur au développement du numérique et centré sur les sciences de l’éducation et la formation, nous l’avons combiné avec un autre modèle proposé par Karsenti et al., (2013) qui analyse les perceptions et les principales caractéristiques de 2416 étudiants inscrits en formation à distance. Il convient cependant de préciser que ce dernier modèle est aussi dérivé du modèle de Kirkpatrick (1959).

Retour sur le modèle de Kirkpatrick

En 1959, Kirkpatrick publia la seconde édition de son ouvrage intitulé « Evaluating Training Programs » qui proposait un modèle à quatre niveaux pour évaluer une formation. Selon lui, il peut y avoir plusieurs raisons d’évaluer une formation parmi lesquels la décision de poursuivre ou non le programme, mais également la collecte d’information sur « comment améliorer l’efficacité du programme ». Le modèle de Kirkpatrick se résume alors à l’évaluation de l’impact d’une formation à travers plusieurs niveaux :

  • La réaction qui mesure le niveau de satisfaction de l’apprenant ;
  • L’apprentissage qui mesure le niveau d’acquisition des connaissances étudiées ;
  • Le comportement ou le niveau de capitalisation et d’utilisation des connaissances apprises ;
  • Le résultat ou le niveau de performance ou l’impact de la formation à la fois chez l’apprenant et chez l’entité formatrice.

L’intérêt que suscite le modèle de Kirkpatrick s’explique par plusieurs raisons dont les plus importantes sont sa simplicité et le fait qu’il réponde « aux besoins des professionnels de la formation de comprendre l’évaluation de la formation de manière systématique » (Shelton & Alliger, 1993).
 
Cependant, comme le montrent si bien Gilibert & Gillet (2010), le modèle de Kirkpatrick est parfois critiqué par certains chercheurs comme Holton III (1996) qui remet en cause le caractère scientifique de sa démarche. Aussi, Bates, (2004) estime « qu’il ne prend pas suffisamment en compte le contexte de la formation notamment les besoins de formation et l’évaluation de la rentabilité ». Reitz (1997) admet que le modèle de Kirkpatrick peut bien « s’appliquer dans un contexte de recherche scientifique, mais il ne semble pas réaliste pour évaluer les résultats des efforts de formation en milieu de travail ». Pour Kraiger et al., (1993), le modèle de Kirkpatrick ne permet pas de prendre une décision « quant à l’arrêt, la reconduite ou surtout l’optimisation d’une formation ». Kirkpatrick (1959) affirme à ce propos que « la raison qui le plus souvent motive l’évaluation c’est la volonté de mesurer son efficacité et de voir comment l’améliorer. Souvent la décision de poursuivre la formation est déjà prise. Malgré toutes les critiques, le modèle de Kirkpatrick (1959) reste aujourd’hui l’un des plus utilisés.

Approche méthodologique : « l’approche systémique »

Il n’existe pas d’approche méthodologique spécifique propre au modèle de Kirkpatrick (1959). Cependant, l’approche systémique nous semble être un cadre d’étude intéressant pour analyser la formation à distance de l’EBAD. Selon Depover (2009), « le cadre systémique conduit les chercheurs à la résolution des problèmes en contexte réel afin de dégager des solutions qui puissent être reproductibles, ou du moins généralisables à une gamme de situations ». Notre approche méthodologique obéit à cette logique, elle ne vise donc pas comme le dit Depover (2009) « à élaborer une loi, mais plutôt à comprendre en profondeur certains phénomènes pour mieux les prendre en compte et mettre en œuvre des dispositifs d’apprentissage plus efficaces ». Nous étudions dans notre analyse les motivations, les niveaux de satisfaction des apprenants, les connaissances acquises et l’impact de la formation à distance chez les diplômés de l’EBAD. 
 
Nous avons ainsi constitué un corpus composé de plusieurs types de documents : Mémoires et thèses sur l’EBAD, Communications de colloques, articles scientifiques, rapports de mission, comptes rendus de réunions. Ces différents documents ont permis de rappeler le contexte de développement de la FADIS à l’EBAD, de disposer de quelques éléments statistiques et aussi de pouvoir faire la revue de la littérature. Les différents éléments du corpus sont complétés par les statistiques disponibles à la scolarité de l’EBAD concernant le nombre d’inscrits en formation à distance, leur nationalité, le taux de réussite.
 
Pour recueillir des données, nous avons établi un questionnaire basé sur le modèle à quatre niveaux de Kirkpatrick (1959), mais également inspiré de la démarche de Karsenti et al., (2013)
 
La principale limite de notre étude est qu’il ne nous a pas été possible d’interroger tous les apprenants diplômés de la FADIS de l’EBAD. Nous avons décidé dans l’échantillonnage de nous limiter à la décennie 2008-2018. Aussi la collecte de données (le questionnaire) ne concerne pas les promotions en cours de formation (2019-2020).

PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

Pour déterminer notre échantillon, nous avons adopté une approche d’« échantillonnage raisonné ». En partant du fait que les classes de Master comptent le même nombre d’étudiants par année (30 en moyenne),  nous avons opéré à partir de la base de données du service de la scolarité de l’EBAD, un choix aléatoire de 10 apprenants sur les 30 que compte chaque promotion. Nous avons envoyé le questionnaire aux apprenants des dix dernières années de formation à distance (2008-2018 à raison de 10 apprenants par promotion soit 100 apprenants au total. Nous avons eu un taux de retour de 78 %. 
 
Nous n’avons pas de difficultés majeures à collecter des données sur la FADIS. Notre échantillon étant composé d’anciens étudiants de l’EBAD dont les contacts (mail et téléphone) sont toujours disponibles au service de la scolarité de l’école. Cependant, le questionnaire étant entièrement administré en ligne, la seule difficulté est la lenteur dans le retour du questionnaire que certains apprenants justifient par des difficultés de connexion dans leur pays (Cameroun, Burkina Faso et Rwanda notamment). 
 
Notre questionnaire, au-delà du profil sociologique et professionnel des apprenants et leurs motivations à l’entrée, étudie principalement : 

  • le niveau de satisfaction des apprenants ;
  • les connaissances et compétences acquises (représentation) ;
  • la capitalisation ou réutilisation des connaissances en milieu professionnel ;
  • les bénéfices ou effets induits de la FOAD chez les apprenants et au niveau de leurs institutions.

Notre démarche consiste à présenter et à analyser directement les résultats de chaque variable étudiée en commençant par le profil sociologique des apprenants et leurs motivations.

Le profil sociologique et les motivations des apprenants à l’entrée

Le profil sociologique nous a permis de faire une catégorisation des apprenants selon le genre, l’âge et l’activité exercée au moment de l’inscription en FADIS. Nous présentons ici le profil sociologique des apprenants de l’EBAD, pour ensuite évaluer leurs motivations à l’inscription en formation à distance afin de pouvoir analyser leur niveau de satisfaction ou ressenti.

Le profil sociologique de l’apprenant 

Le profil sociologique de l’apprenant de la FADIS est à dominante masculine (55 % d’hommes pour 45 % de femmes) et en général de nationalité sénégalaise (26 %), même si d’autres nationalités africaines sont bien présentes à l’EBAD (Côte d’Ivoire 13 %, Burkina Faso 12, Niger 10 %, Cameroun 9 %). 
 
Les apprenants sont pour l’essentiel des professionnels de l’information documentaire en activités d’un âge relativement avancé 30 à 40 ans, 40 personnes soit 51 %, 40 à 50 ans 19 inscrits soit 24 %, 20 à 30 ans, 23 personnes soit 16 % et seulement 6 % pour plus 50 ans, soit 5 inscrits. Un apprenant n’ayant pas répondu à la question. Pour 95 % des répondants, soit 74 personnes, les apprenants de la FADIS sont des professionnels en activité contre 2 % d’étudiants et 2 % de professionnels en chômage soit 2 répondants pour chaque catégorie. La prédominance des professionnels en activité et en âge avancé comparativement à leurs homologues postulant pour la même formation en présentiel est de fait liée aux conditions d’accès à la formation à distance de l’EBAD qui privilégient les candidats ayant satisfait au moins trois à cinq ans d’expériences professionnelles dans les métiers de l’information.
 
La forte présence des Sénégalais s’explique par le fait que l’EBAD bien qu’étant une école régionale est basée au Sénégal depuis 1967. Aussi les candidatures provenant du Sénégal sont toujours plus nombreuses du fait que vivre à l’étranger (pour les étudiants non sénégalais) demande des moyens financiers et que les organismes de financement sont de plus en plus rares. Sans compter le fait que le Sénégal à une forte communauté de professionnels de l’information formés à un niveau de technicien (Bac+2 et Bac+3). Il convient aussi de rappeler que ce constat valable de nos jours n’en était pas toujours ainsi. Il confirme une inversion de la tendance observée aux premières années de la formation à distance. En effet, la proposition du second cycle en ligne a provoqué un engouement sans précédent des anciens étudiants sénégalais et surtout étrangers, qui, du fait de leur indisponibilité professionnelle, et des contraintes géographiques, se résignaient à postuler au diplôme en Présentiel (Diakhaté, 2014).
 
Aussi certains pays de la sous-région (Mali, Bénin, Côte d’Ivoire) mettent en place des filières de formation en sciences de l’information documentaire et ils ne sont plus réellement obligés d’inscrire leurs ressortissants à l’EBAD. 
 
À l’évidence, la formation à distance en science de l’information à l’EBAD concerne surtout des professionnels déjà en activité (51 %). La présence des étudiants issus directement du premier cycle (licence) s’explique selon le Directeur de l’EBAD, par le fait que l’EBAD autorise ses meilleurs étudiants diplômés en licence (cinq meilleurs de chaque promotion) à s’inscrire directement en Master 1 présentiel, les autres pouvant concourir à la sélection en formation à distance. Aussi, il est déjà arrivé que des apprenants déjà inscrits en formation présentielle, pour des raisons personnelles, demandent à être transférés en formation à distance.

Les motivations : des perspectives professionnelles ou un épanouissement personnel

Au-delà des différences de profils, l’étude a révélé plusieurs motivations à l’inscription.
  
La forte présence des professionnels en activité en FADIS se justifie, par ailleurs, par leurs motivations. En effet, comme l’atteste le tableau ci-dessous, en répondant à la question « Qu’est-ce qui a motivé votre inscription en FADIS ? », les apprenants ont exprimé des motivations essentiellement professionnelles, comme le montre le tableau suivant :  

  
Tableau 1 : Motivations des apprenants à l’inscription

Le tableau des motivations construit sur 95 observations avec des pourcentages calculés par rapport au nombre de citations montre que 32 % des apprenants sont motivés par des perspectives d’avancement professionnel ; 31 % par la possibilité de travailler et d’étudier en même temps ; 26 % par un épanouissement personnel, c’est-à-dire l’acquisition de connaissances en sic, 6 % par le coût acceptable de la formation, 2 % pour mieux connaître les TIC et enfin 1 % pour ne pas vivre le chômage.
 
Nous pouvons alors retenir que les apprenants de la FADIS sont essentiellement motivés par des perspectives d’évolutions professionnelles. Même si le coup de la formation est relativement élevé (600 000 F CFA soit plus de 916 euros pour la licence et 800 000 F CFA 1200 euros pour le Master), il constitue une motivation pour certains apprenants (6 %). Certains apprenants considèrent que la formation à distance de l’EBAD coûte beaucoup moins cher qu’une formation dans une université étrangère (France ou Canada en général), avec le risque pour certains de perdre leur emploi, comme l’affirme un répondant, « l’incertitude de retrouver mon poste après une formation à l’étranger qui exigerait une démission ou la mise en position de stage, parfois sans solde ».
 
Une autre motivation est ressortie en réponse à une question ouverte (autres motivations). Il s’agit du  souhait de poursuivre des études doctorales (5 répondants âgés de 20 à 30 ans). Cette motivation concerne surtout des apprenants relativement jeunes, qui espèrent pour l’essentiel embrasser une carrière d’universitaire.
 
Notons par ailleurs, à partir de l’entretien que nous avons eu avec les enseignants que ces dix dernières années (2008-2018) l’EBAD a recruté comme enseignant la moitié des étudiants sénégalais qui ont soutenu une thèse de doctorat en science de l’information documentaire (5) et même d’autres étudiants de nationalités africaines initialement formés à l’EBAD (2). Même si le taux de recrutement d’enseignants formés à l’EBAD est encore moyen, nous faisons alors l’hypothèse que ce type de débouché entre en jeu dans la motivation des étudiants.

La satisfaction des apprenants

Le niveau de satisfaction des apprenants concerne principalement le rythme de travail, le contenu de la formation, les modes d’évaluation, le tutorat et la plateforme d’apprentissage comme le montre le tableau suivant :

 
Tableau 2 : niveau de satisfaction des apprenants

En dehors de la question relative au niveau de satisfaction globale, chaque niveau de satisfaction est mesuré avec une réponse unique sur une échelle de notation allant de 1 (pas du tout) à 4 (beaucoup). Les calculs sont effectués sans tenir compte des non-réponses.
 
L’analyse du niveau de satisfaction montre que 65 répondants sur 78 soit environ 83 % des apprenants sont globalement satisfaits de la FADIS avec 83 % de réponse positive pour seulement 15 % de réponse négative. En dehors de la convivialité de la plateforme (58 %), et du contenu de la formation (49 %) qui sont relativement bien appréciés, la satisfaction reste moyenne pour l’ensemble des autres critères (entre 25 et 33 %). 
 
Le bon niveau de satisfaction sur l’usage de la plateforme s’explique selon les apprenants rencontrés lors du stage de regroupent de l’année 2019 par « la participation des apprenants à un stage de regroupement au démarrage de la formation. Cela permet à l’apprenant de connaître aussi bien les acteurs de la FADIS que le mode de fonctionnement de la plateforme ». Aussi, les apprenants ont cité d’autres motifs de satisfaction dans leurs réponses tels que, la flexibilité de la FADIS, l’usage des TIC et le coût de la formation qu’ils jugent être acceptable.
 
Le tutorat quant à lui reste le maillon faible de la FADIS de l’EBAD. En effet, une observation de la plateforme de la FADIS que nous avons faite (promotion, Master 2017) nous montre que le tutorat se limite plutôt à la publication de messages sur le forum (désigné sous l’appellation de classe virtuelle). Bien souvent, le contenu des messages concerne l’annonce de la date des évaluations, la disponibilité des notes, une proposition de corrigé d’une évaluation. Aussi, les messages peuvent porter sur l’annonce d’un événement social (baptême, décès, mariage, apprenant malade à qui l’on souhaite un prompt rétablissement, etc.). Les enseignants ne sont pratiquement jamais interpellés sur des questions liées au contenu ou à la démarche pédagogique de leurs enseignements.
 
En plus du forum, le stage de regroupement en début de formation, la messagerie électronique et le téléphone sont également utilisés par les apprenants pour interagir avec les services de l’EBAD et les enseignants. Le tutorat est donc plus administratif et technique que pédagogique. Il constitue ainsi la principale faiblesse de la FADIS.

Représentation et capitalisation des connaissances en milieu professionnel

Nous présentons ici la « représentation » des apprenants à travers leurs perceptions des connaissances et compétences acquises grâce à la FADIS. Aussi avons-nous analysé la valorisation ou la capitalisation de ces connaissances en SIC en milieu professionnel chez les apprenants en situation de travail.

La perception ou l’acquisition de connaissances et compétences en FADIS

Nous avons évalué les connaissances des étudiants, non pas en termes « d’évaluation sommative ou formative », mais juste la représentation, c’est-à-dire les connaissances et compétences en SIC qu’ils croient assimilées et pour lesquelles ils estiment avoir développé des compétences. La question porte sur « les connaissances acquises et utilisées aujourd’hui en environnement de travail ». À ce niveau, les pourcentages sont calculés par rapport au nombre de citations (127) même si l’observation porte sur 78 apprenants. 

 
Tableau 3 : Acquisition de connaissances et compétences en SIC

  
Les résultats montrent qu’une grande partie des apprenants n’arrive pas à identifier clairement les compétences acquises (20 % de non-réponse). Les compétences liées à la recherche documentaire (13 %) sont, selon les apprenants, celles qu’ils maîtrisent désormais, suivies de l’intelligence économique et du record management avec 6,3 % de réponse. La GED, la conception web et la maîtrise des TIC sont également citées avec 5,5 % de réponses.
 
Nous remarquons que certains enseignements désignés comme étant des « fondamentaux de la documentation » par les enseignants tels que l’« analyse documentaire » et la « conception de produits documentaires » sont faiblement cités. Ces compétences sont censées être acquises au premier cycle de formation et ne constituent pas en réalité une acquisition de compétences nouvelles, mais plutôt une « actualisation de connaissances ». Nous notons également une grande différence entre le niveau de satisfaction globale exprimé (plus de 83 %) et le faible taux de connaissances acquises exprimées par les répondants. Cela conforte l’hypothèse que les inscrits en FADIS sont principalement motivés par des perspectives professionnelles et pas forcément par l’acquisition de connaissances. C’est ce qui explique que certaines compétences techniques comme « l’hypermédia », « la conception de dossiers documentaires », « la veille informative », « l’analyse documentaire » sont faiblement voire pas du tout citées (1 %) comme étant des connaissances assimilées. En plus de la motivation, il est aussi important de signaler que l’assimilation faible des cours techniques pourrait être liée au fait que la standardisation et la normalisation des plateformes d’enseignement à distance, celle de l’EBAD y compris,  « ne suscite pas autant d’intérêts que les questions relatives à la création de contenus, le tutorat, l’évaluation des apprenants, etc. » (Henda, 2011).  La transmission des connaissances techniques plus exigeantes dans un environnement virtuel d’apprentissage s’en trouve fortement affectée.

La capitalisation des connaissances et compétences reçues en FADIS

Comme nous l’avons évoqué dans le précédent paragraphe, les apprenants de la FADIS sont principalement motivés par des perspectives professionnelles (évolution dans la carrière), mais également par l’épanouissement personnel. Le fait de réussir au Master est en soi une satisfaction pour l’apprenant puisqu’il augure à la fois une reconnaissance sociale, un sentiment d’accomplissement personnel, mais aussi une évolution dans la carrière.
 
Un constat encore plus visible dans les carrières de l’information dont l’évolution  est positivement corrélée à la résurgence des enjeux liés à la maîtrise de l’information dans nos sociétés. En effet, les possibilités d’insertion professionnelle suivent naturellement les mutations induites par les technologies de l’information et de la communication qui redéfinissent notre rapport à l’information. De nouvelles problématiques qui font appel à de nouvelles compétences ; donc des perspectives de carrières dans les entreprises, ONG, administrations publiques et privées. C’est le cas des agents de l’Université de Dakar diplômés de l’EBAD, reclassés au grade de « conservateur » suite à leur admission en Master.
 
Aussi notre étude montre qu’une bonne partie (43) des étudiants formés à l’EBAD en FADIS a pu capitaliser le diplôme par une promotion professionnelle (fonction publique, universités entreprises privées), un recrutement dans des organismes internationaux (OMS, Union africaine, Coopération française, etc.), inscription en doctorat qui a valu à certains un recrutement à l’université comme enseignant. Il convient cependant de souligner que certaines études montrent qu'il existe une grande inquiétude des étudiants en sciences de l'information par rapport à leur employabilité “there is great anxiety by current library students about how their online degree will be received ” (Kennedy et al., 2007). Les apprenants de l’EBAD en FADIS ne semblent pas trop souffrir de cette crainte de l’employabilité puisqu’ils sont déjà pour l’essentiel en activité. Aussi, l’évolution positive dans les carrières constatée chez les anciens auditeurs de l’EBAD semble lever les inquiétudes de Kennedy et al., (2007). Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’en 2007, les apprenants et les employeurs n’avaient pas suffisamment de connaissances et de recul pour pouvoir apprécier la formation à distance en SIC, devenue aujourd’hui (2020) une modalité d’enseignement aussi valable que le modèle classique présentiel.
 
Par ailleurs, pour les personnels administratifs techniques et de service (PATS) en service à l’EBAD, l’implication dans la gestion de la FADIS a permis de développer des compétences techniques et managériales qui sont aujourd’hui valorisées pour certains à l’EBAD (service de la scolarité, service de l’informatique, bibliothèque) et pour d’autres dans de nouvelles universités créées au Sénégal. Aussi, pratiquement tous les enseignants de l’EBAD sont aujourd’hui à l’aise avec les TICE et une bonne partie de leur cours est sous format numérique. Le format vidéo est cependant très peu utilisé par les enseignants de l’EBAD, mais l’Université de Dakar dispose désormais d’une unité d’enregistrement pouvant permettre aux enseignants de se former dans ce domaine.

La FADIS de l’EBAD, un exemple à suivre ?

Notre objectif dans cette étude n’est pas d’opposer la FADIS à la formation présentielle, nous avons souhaité juste poser un regard critique sur son dispositif de formation en SIC pour en ressortir les forces et les faiblesses afin de voir comment le modèle a atteint ses limites et dans quelle mesure il serait reproductible.
 
Pour autant, nous pouvons constater, avec les statistiques de la scolarité que les taux de réussite en Master en FADIS sont nettement plus élevés que les taux de réussite en Master « présentiel ». En effet, pour l’année 2016 par exemple, le taux de réussite au Master à distance à l’EBAD est de 61,76 % (21/34) pour 32,35 % (11/34) de redoublement et 5,88 % d’exclus (2/34). Pour la même année, le taux de réussite au Master en « présentiel » est de seulement 26,31 % (5/19) pour 10,52 % (2/19) d’exclus et 63,15 % (12/19) de redoublement.
 
Le fort taux de réussite au Master distanciel se justifie par la motivation des apprenants qui sont souvent des professionnels pouvant prétendre à une promotion après leurs études. Aussi le Master à distance étant payant, les apprenants travaillent durement pour éviter de redoubler une classe et de devoir payer encore une année de scolarité. Contrairement à la formation à distance, en « présentiel » où les apprenants sont tous boursiers et ils conservent leur bourse même en cas de premier redoublement dans un même cycle.
 
Par ailleurs, l’expérience de l’EBAD, nous conforte dans l’idée que la formation à distance en sciences de l’information en Afrique n’est pas destinée à des primo-entrants. Ces derniers n’ont pas souvent dans leurs cursus suffisamment de pratiques et d’usages des TIC à des fins pédagogiques. Le cas de l’EBAD semble confirmer cette hypothèse, puisque sa formation à distance est destinée exclusivement à des étudiants qui ont déjà une expérience des TICE (Troisième année de licence et Master) ou à des professionnels expérimentés. Il est aussi évident que la formation à distance en SIC n’est pas qu’un complément à la formation « présentielle » classique qu’elle est un autre mode d’enseignement qui utilise des dispositifs techniques et pédagogiques différents, mais qui permet de former aux mêmes métiers comme c’est le cas à l’EBAD.
 
Aussi, le mode de tutorat adopté par la FADIS de l’EBAD à ses débuts ne semble plus répondre aux attentes des apprenants et il gagnerait également à évoluer vers un tutorat sous la forme d’un « accompagnement régulier ou ponctuel d’un groupe d’étudiants par des tuteurs, un peu plus avancés qu’eux dans le cursus universitaire » (Barbot & Jacquinot-Delaunay, 2008).
 
La plateforme actuelle de la FADIS se prête très peu à l’interactivité et elle ne permet pas non plus certaines formes d’évaluation en ligne. Sans compter que certaines matières dites techniques (informatique documentaire, conception de portail web) se prêtent difficilement à l’enseignement à distance avec la plateforme actuelle de l’EBAD. Le contenu des cours est aussi statique et se présente principalement sous un format HTML et quelquefois au format « pdf », alors que la tendance actuelle est orientée vers la classe virtuelle et les capsules vidéo. Il n’est donc pas indiqué de reproduire le « modèle ébadien » en l’état. Il convient dès lors de faire évoluer la plateforme vers les standards plus adaptés, et de varier le format des cours (plus de vidéos) et les modes d’évaluation (qcm) pour plus d’interactivité.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Une formation, qu’elle soit « présentielle » ou « distancielle » est à la base un projet qui obéit à une certaine démarche et à des granularités allant de l’étude de besoin à l’évaluation des effets ou impacts à la fois chez l’apprenant et chez l’organisme qui en est le maître d’ouvrage.   McCain (2016) affirme à ce titre que l’évaluation permet de déterminer et d’améliorer la valeur d’une formation. Selon lui, « Cette forme d’évaluation s’effectue sur la base de standards ou de critères spécifiques à élaborer, apprécier une formation en vue de prendre une décision (maintenir ou non la formation en l’état) ».   L’évaluation peut donc intervenir a priori pour mesurer les attentes des apprenants, mais elle arrive le plus souvent a postériorité pour mesurer le niveau de satisfaction des acteurs. Entre les deux étapes, il peut y avoir plusieurs types d’évaluation qui portent sur l’assimilation des connaissances (évaluation formative ou sommative). Au-delà de ces formes d’évaluation qui mesurent le niveau de compréhension et d’assimilation des enseignements, il y’en a une autre qui peut être considérée comme un outil d’aide à la prise de décision.
 
La FADIS de l’EBAD est sans conteste un modèle de réussite du point de vue des résultats et de la pérennité (20 ans d’existence). Il est donc à ce titre un exemple pouvant inspirer des écoles de science de l’information et de la communication, voire des universités africaines à penser leur propre approche. Pour autant, le modèle de l’EBAD ne nous semble pas être reproductible en l’état, encore moins pour régler la question des effectifs des universités sénégalaises. Il devrait plutôt s’adapter aux nouveaux standards et dispositifs techniques de formation tels que les Moocs, mais également migrer vers une plateforme qui favorise plus d’interactivité entre les enseignants et les apprenants afin de pouvoir mieux enseigner les matières dites techniques.

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[1] Les SYFED sont devenus Campus numérique Francophone de l’Agence universitaire de la francophone (AUF). Elle s’appelait Association des universités partiellement ou entièrement de langue francophone – Université des réseaux d’expression française (AUPELF / UREF)

[2] PROCOOPTIC : Programme en Coopération pour le Développement en Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication du Ministère français des Affaires étrangères.

[3] Ce chiffre obtenu à partir des statistiques de la scolarité n’est que le total brut des apprenants inscrits en année de sortie (licence et M2). L’EBAD n’était donc pas sûre de réussir l’aventure, mais elle conçut sa propre plateforme de formation à distance pour mieux combler ses attentes.

[4] En référence à la fusée dont la réussite du lancement n’est jamais une certitude. L’EBAD n’était donc pas sûre de réussir l’aventure, mais elle conçut sa propre plateforme de formation à distance  pour mieux combler ses attentes.

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