N°8 / La place de la communication interne dans le management de la performance et la compétitivité du capital humain des organisations publiques et privées

L’influence de la communication interne sur l’engagement des employés dans les administrations publiques marocaines : étude exploratoire

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Abdellah Abil, Soukaina Sahab

Résumé

De plus en plus, les organisations reconnaissent l’importance de renforcer la communication interne avec leurs employés. Ce concept qui fait partie des relations publiques internes, il est associé à des résultats positifs pour l'organisation tels que l'engagement des employés, qui est devenu un concept brûlant et populaire, notamment, dans les sciences sociales.
Bien que les chercheurs soulignent l’importance de la relation entre la communication interne et l’engagement des employés, l'association n'a pas été largement testée de manière empirique et plus, précisément, dans le secteur public. Concernant le Maroc, la littérature sur ce sujet reste, a notre connaissance, limitée. Par conséquent, ce travail a pour objectif de montrer le lien d’influence existant entre la communication interne et l’engagement des employés dans un contexte spécifique, sous étudié, celui de l’administration publique marocaine.
Notre démarche adoptée est de nature qualitative étant donné son efficacité dans le cadre des recherches exploratoires, la méthode de recueil utilisée dans notre étude est l’entretien semi-directif à l’aide d’un guide d’entretien adressé aux responsables de communication interne et/ou ressources humaines auprès de dix administrations publiques marocaines.
Une relation d’influence significative et positive a été établie entre la communication interne et l’engagement des employés dans le secteur public marocain. 
Nos résultats viennent s’ajouter à la littérature, vu la rareté des études qui ont exploré la relation entre les deux concepts dans le secteur public, ce secteur qui se caractérise par un mode de gestion différent et connaît plusieurs dysfonctionnements structurels qui l’empêchent à accompagner le développement global.

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Abstract : Increasingly, organizations are recognizing the importance of strengthening internal communication with their employees. As part of internal public relations, this concept is associated with positive outcomes for the organization such as employee engagement, which has become a hot and popular concept, especially in the social sciences.
Although researchers stress the importance of the relationship between internal communication and employee engagement, the association has not been widely tested empirically and specifically in the public sector. As far as Morocco is concerned, the literature on this subject remains, to our knowledge, limited. Therefore, this work aims to show the link of influence existing between internal communication and employee engagement in a specific, under-studied context, that of public administration.
Our approach is qualitative in nature, given its effectiveness in the context of exploratory research. The collection method used in our study is the semi-directive interview using an interview guide addressed to the heads of internal communication and/or human resources in ten Moroccan public administrations.
A significant and positive relationship of influence was established between internal communication and employee engagement in the Moroccan public sector.
Our results add to the literature, given the scarcity of studies that have explored the relationship between the two concepts in the public sector, which is characterized by a different management mode and experiences several structural dysfunctions that prevent it from accompanying overall development.

Keywords : employee engagement, internal communication, influence, public sector, exploratory qualitative study.


INTRODUCTION

Depuis plus de deux décennies, l’engagement des employés a suscité un intérêt croissant de la part des chercheurs et des praticiens qui l’ont considéré comme un facteur décisif du succès organisationnel et de l’avantage compétitif (Macey et al., 2009 ; Kompaso & Sridevi, 2010). Ainsi, l’engagement des employés est reconnu comme un défi pour les cadres dirigeants à l’échelle mondiale (Men, L.R., O’Neil, J, & Ewing, M, 2020). Selon le rapport "State of the Global Workplace" de Gallup réalisé dans 155 pays, seuls 15% des employés interrogés déclarent se sentir engagés (Gallup, 2017), ce résultat découragent montre qu’il y a plus d’employés désengagés que d’employés engagés.

Bien qu’il existe de différentes conceptualisations de l’engagement des employés, l'une des définitions les plus fondamentales est celle fournie par Kahn (1990), qui a défini  l'engagement comme la façon dont « les gens emploient et s'expriment physiquement, cognitivement et émotionnellement lors de l'exécution du rôle» (p. 694). Compte tenu des avantages potentiels de l’engagement des employés tels que l’amélioration des performances individuelles, la réduction du taux d’absentéisme et une fidélité accrue de la clientèle (Salanova, M., Agut, S, & Peiro, J.M, 2005), la thématique de l’engagement des employés constitue aujourd’hui une des préoccupations majeures des entreprises et des recherches en management comme il témoigne le baromètre de la FNEGE publié en 2018 portant sur les grandes préoccupations des cadres dirigeants du secteur privé, qui place l’engagement parmi les thèmes clés des recherches en management (Cézanne et al., 2019).

On outre, Les principaux facteurs d’engagement des employés sont, notamment, la nature de l’emploi, le milieu du travail, la reconnaissance du travail, le climat social et le facteur le plus important pour cette étude : la communication interne. En effet, l’environnement du travail positif se caractérise, généralement, par une communication ouverte ; la communication interne implique, principalement, un échange d'informations dans les deux sens, ainsi l’engagement des employés promu par la communication interne est « le degré auquel une personne est attentive et absorbée dans l'exécution de ses rôles » (Saks, 2006, p. 602).

Bien que  les chercheurs soulignent l’importance de la relation entre la communication interne et l’engagement des employés, la quasi-totalité des recherches sur leur association se sont focalisées sur le secteur privé au détriment du secteur public. Notre recherche a pour objectif de montrer le lien d’influence existant entre la communication interne et l’engagement des employés dans un contexte spécifique, sous étudié, celui de l’administration publique marocaine. Il s’agit plus particulièrement de répondre à la question de recherche suivante :

En quoi la communication interne influence-t-elle l’engagement des employés dans l’administration publique marocaine ?

Pour répondre à notre question de recherche, nous avons eu recours à la démarche qualitative étant donné son efficacité dans le cadre des recherches exploratoires, la méthode de recueil utilisée dans notre étude est l’entretien semi-directif à l’aide d’un guide d’entretien adressé aux responsables de communication interne et/ou ressources humaines auprès de dix administrations publiques marocaines.

Notre article est structuré en quatre parties. Tout d’abord, nous présentons une revue de littérature sur les concepts clés de l’étude, les cadres théoriques mobilisés pour expliquer ces concepts ainsi que les objectifs et la question de recherche. Ensuite, nous expliquons la méthodologie adoptée pour répondre à notre question de recherche. Dans la partie suivante, nous exposons les résultats de notre étude. Enfin, nous discutons les principaux apports théoriques de la recherche. Les implications et les recherches futures sont fournies dans la conclusion.

REVUE DE LITTERATURE

Le concept de l’engagement des employés

L'engagement des employés est devenu une préoccupation majeure des dirigeants d'organisations et a suscité un intérêt croissant de la part des chercheurs. Le concept est compris de différentes manières par les praticiens, ce  faisant, l'engagement a été défini comme  l'engagement émotionnel et intellectuel envers l'organisation (Baumruk, 2004; Shaw, 2005) ou comme une «Implication individuelle, satisfaction et enthousiasme pour le travail» (Harter., Schmidt, & Hayes, 2002, p.417). Or, La plupart des conceptualisations couramment utilisées de l’engagement reposent sur les travaux influents de Kahn (1990), qui a  défini l'engagement des employés comme « la mobilisation des membres de l'organisation dans leurs rôles professionnels, en engagement, les gens emploient et s'expriment physiquement, cognitivement et émotionnellement lors de l'exécution de rôles» (Kahn, 1990, p.694). L'aspect cognitif est lié aux convictions des employés, des dirigeants et des conditions de travail, l’aspect émotionnel est lié à la façon dont les employés se sentent et leur attitude positive ou négative à l’égard de l’organisation et de ses dirigeants et l'aspect physique est connecté à l'énergie physique investie afin de remplir un rôle (Verčič & Vokić, 2017). Par conséquent, l’engagement implique à la fois une présence physiologique et physique (Kahn, 1990).

Néanmoins, Guest (2014) a souligné que l’étude de Kahn (1990) n’a pas pu engendrer énormément de recherches de suivi que plus d’une décennie plus tard avec les travaux de May et al. (2004), qui ont développé une nouvelle vision de l’engagement. Cette vision a émergé les  travaux du groupe d'Utrecht, qui a défini l’engagement comme  « un état d’esprit positif, satisfaisant et lié au travail » et a proposé qu’un employé engagé ait un fort sentiment de vigueur, de dévouement et d’intégration dans les activités professionnelles (Schaufeli et al., 2002, p. 74). L'échelle d'engagement au travail d'Utrecht de Schaufeli et al. (2002) s'est avérée être la mesure la plus largement adoptée.

Ainsi, contrairement à Kahn (1990) qui considérait l’engagement comme une expérience qualitative, comportementale et transitoire qui suivait les «flux et reflux» des activités quotidiennes; le groupe d'Utrecht, dont la vision multidimensionnelle de l’engagement  adoptée dans 86% des études (Swanberg et al., 2011), considérait l'engagement comme un état d'esprit attitudinal plus stable et durable pouvant être évalué par des méthodes quantitatives (Bailey, C., Madden, A., Alfes, K. et al.,2015).

En outre, le concept de l’engagement au travail a été défini comme  un état d'esprit positif, épanouissant, lié au travail et caractérisé par la vigueur, le dévouement et l'absorption (Schaufeli & Bakker, 2004). Cette définition, influente dans les nouveaux travaux sur l’engagement, et celle de Kahn (1990), partagent un intérêt commun pour les aspects de l’engagement : cognitif/absorption, affectif/dévouement et physique/vigueur ( Welch, 2011 ; Schaufeli, 2014 ).

En effet, un large éventail de cadres théoriques a été adopté dans les différentes études menées pour expliquer l’engagement. Des études se référaient précisément à la théorie de l'engagement de Kahn (1990), qui part du principe que l'engagement est influencé par trois conditions psychologiques antécédentes : la signification ressentie du travail, la sécurité psychologique et la disponibilité expérimentée. De plus, Kahn (1990) soutient que ces trois conditions sont influencées par la nature du travail, l'environnement social, les ressources personnelles et l'énergie. Cette vision montre que certains aspects de la conception du travail tels que l'autonomie, la rétroaction et l'importance des tâches engendreront les conditions psychologiques nécessaires à l'engagement (Bailey, C., Madden, A., Alfes. et al., 2015).

Le deuxième cadre le plus utilisé est le modèle de stress professionnel appelé modèle JD-R (Job demands-resources). Ce modèle, relativement nouveau, fournit particulièrement un cadre pour la recherche sur les antécédents de l'engagement des employés, il fait la distinction entre deux catégories principales de caractéristiques de l'emploi : les exigences de l'emploi et les ressources de l'emploi (Demerouti., Bakker., Nachreiner. et al., 2001), les exigences de l’emploi font référence à des caractéristiques telles que la pression du temps, la charge de travail et les exigences émotionnelles qui coûtent de l'énergie et exercent une pression sur l'individu pouvant causer l'épuisement et entraîner, par conséquent, des résultats négatifs sur l’engagement. En revanche, les ressources professionnelles représentent une voie de motivation qui améliore l'engagement et suscite des caractéristiques telles que l'autonomie, le soutien social et les opportunités de développement qui permettent aux individus de faire face aux demandes, de satisfaire les besoins psychologiques de base et d'atteindre les objectifs organisationnels (Fletcher,L.,Bailey,C., Alfes,K. et al., 2019).

Puis, Bailey, C., Madden, A., Alfes, K. et al. (2015) ont démontré que la théorie des échanges sociaux (SET) est le cadre le plus utilisé, à travers une synthèse de preuves narrative systématique impliquant 214 études concentrées sur le sens, les antécédents et les résultats de l'engagement. Selon cette théorie, les relations entre les employés et les employeurs sont fondées sur des normes de réciprocité, lorsque les employés ont le sentiment d'être bien traités et appréciés par leur employeur, ils sont plus susceptibles de réagir en faisant des efforts au nom de l'employeur sous la forme d'un niveau d'engagement plus élevé (Alfes et al., 2013).

Récemment, des spécialistes de la GRH  (Truss et al. 2013 ; Bailey et al. 2017 ; Saks, 2017) ont commencé à considérer l’engagement comme une pratique de gestion (engagement as management practice). Dans cette perspective, l’engagement des employés est appréhendé comme une approche adoptée par les organisations pour gérer leurs ressources humaines plutôt qu’un état psychologique vécu par les employés dans l’exercice de leur travail, il s’agit de changer la vision pour considérer l’engagement comme résultant des pratiques de management « faire l’engagement» par opposition à « être engagé » (Truss et al., 2014).

En effet, l’engagement comme une pratique de gestion est un domaine de recherche émergent qui a , jusqu'à présent, produit un nombre réduit d'études qualitatives mais qui offre un riche potentiel de développement futur, réunissant les préoccupations des praticiens avec les traditions des spécialistes des relations industrielles (Bailey, C., Madden, A., Alfes, K. et al., 2015). Jenkins &  Delbridge (2013) affirment que cette vision est très différente de l’approche originelle de l’engagement ancrée au sein du mouvement de la psychologie positive. Néanmoins, un petit nombre d’études (Welch, 2011 ; Iyer & Israel, 2012 ; Reissner & Pagan, 2013 ; Mishra et al. 2014) ont considéré les activités organisationnelles comme antécédents potentiels de l’engagement tels que des cours spécifiques de formation et de développement ou des activités de communication (Cézanne,C., Loufrani-Fedida,S., Luu,P. et al., 2019). Notre recherche s’inscrit dans ce dernier courant en mettant l’accent sur la communication interne en tant qu’antécédent de l’engagement des employés.

La communication interne

En théorie comme en pratique, la communication interne est essentielle pour créer des relations avec les employés. Elle est définie comme la communication entre les dirigeants de l’organisation et l’un de ses principaux publics qui sont les employés (Dolphin, 2005). Il s’agit de « l’interaction sociale par le biais de messages» (Kalla, 2005, p.303), son rôle est de « mettre en lumière les liens entre les  différentes informations » (Quirke, 2008, p. xv), et de refléter la capacité de la direction à établir des relations entre les parties prenantes internes à tous les niveaux de l’organisation (Welch & Jackson, 2007). D’Aprix (2009) a affirmé que «la communication est le lubrifiant incontestable qui empêche les systèmes de l’entreprise de s’autodétruire du fait des frictions du changement» (D’Aprix, 2009, p. xxiii).

Par ailleurs, les définitions de la communication interne sont apparues au fil de l’évolution des  modèles de l’organisation et des modèles de la communication. Giroux (1994) a mis en avant  deux courants de pensée : la perspective fonctionnaliste et la perspective interprétative. Le courant fonctionnaliste est le plus ancien et encore le plus dominant dans les champs de gestion et de la communication, il observe la société et l’organisation d’un point de vue objectiviste et vise à comprendre le fonctionnement des systèmes et à ordonner les méthodes qui servent à améliorer leur performance. Dans ce courant, on retrouve deux définitions de la communication : la communication productive et la communication intégratrice.

La communication productive concorde avec la vision mécaniste de l’organisation qui prévoit la communication comme un outil de production, elle se présente comme un message transmis par un émetteur au récepteur à travers des canaux (Giroux, 1994). Le contenu du message est opératoire, il décrit la tâche à accomplir, les méthodes à utiliser et les résultats attendus. Le message est orienté nécessairement vers le fonctionnement quotidien de l’organisation.

La communication intégratrice se présente comme l’interaction qui définit les relations maintenues entre les membres de l’organisation, elle cherche à mettre l’accent sur le contexte qui donne du sens à cette relation de sorte à considérer l’émetteur et le récepteur comme des partenaires dans l’acte de communication (Giroux, 1994). La communication intégratrice permet à chaque membre de se situer dans l’organisation et de prendre part à l’action collective. Dans ce cas, le contenu du message n’est pas opératoire mais plutôt expressif car il permet d’exprimer aussi bien les émotions, les sentiments et les attitudes. Cette définition de la communication est en harmonie avec l’approche des relations humaines et s’oppose au modèle mécanique, les chercheurs de l’école des relations humaines ont montré que la productivité des individus dépend de leur satisfaction par le développement des mécanismes et des normes de travail, favorisant l’appartenance et l’implication de l’individu en tant qu’un être social.

Le courant interprétatif a une vision subjectiviste qui observe la société et l’organisation comme des créations humaines, il met l’accent sur le quotidien et la performance des acteurs en situation et se focalise sur les actions des individus et non plus sur les structures (Giordano, 2006). Dans cette perspective, la communication se définit comme  « organisante », autrement dit, c’est la communication qui crée l’organisation (Taylor, 1993 ; Giroux, 1994), elle se présente comme une transaction où l’échange des messages est une activité créatrice qui contribue à la création des relations entre les partenaires et à l’échange de la valeur ce qui ramène vers la construction de l’organisation. Cette conception considère l’organisation comme le produit des processus de communication (Giroux, 1994).

Historiquement, les employés, en tant que public, ont été sous-estimés par les spécialistes et les professionnels des relations publiques en faveur des publics externes (Chong, 2007; Wright, 1995). Cheney (1999) a noté que  «dans la précipitation vers une efficacité et une compétitivité accrues, on a le sentiment que la plupart des organisations ne se soucient guère de leurs employés» (Cheney, 1999, p. x), ce qui reflète le manque d’attention porté par la direction à leurs propres employés. Ce manque d’intérêt s’explique par l’accent que les organisations ont toujours mis sur leurs produits et leurs services auprès de publics externes par le biais de communication marketing, au détriment de la communication interne à destination des employés (Mishra, K., Boynton, L, & Mishra, A, 2014).

Se concentrer sur la communication interne peut donc conférer à l’entreprise plusieurs avantages, elle renforce la confiance entre les gestionnaires et les employés et conduit à l’engagement des employés. En effet, la communication interne d’entreprise est définie comme la communication entre les responsables stratégiques d'une organisation et ses parties prenantes internes conçue pour promouvoir l'engagement envers l'organisation, un sentiment d'appartenance à celle-ci, la prise de conscience de son environnement en mutation et la compréhension de ses objectifs en constante évolution (Welch & Jackson , 2007). Thomas., Zolin, & Hartman (2009), ont toutefois indiqué que «lorsque les employés perçoivent qu'ils obtiennent des informations opportunes, exactes et pertinentes de leurs supérieurs hiérarchiques et de leurs collègues, ils sont plus susceptibles de se sentir moins vulnérables et plus capables, se fier à leurs collègues et à leurs superviseurs » (p. 302). De même, Kitchen & Daly (2002), ont démontré que la communication interne est cruciale pour la réussite de l'organisation et pour ses activités quotidiennes.

La relation entre la communication interne et l’engagement des employés

La communication interne fait partie du contexte organisationnel dans lequel les employés sont engagés ou désengagés (Bakker., Albrecht, & Leiter, 2011). Des recherches antérieures ont montré que les pratiques de communication interne influencent positivement l’engagement des employés (Saks, 2006 ; Chong, 2007 ; Welch & Jackson, 2007 ; Iyer & Israel, 2012 ; Verčič & Vokić, 2017 ; Cézanne et al., 2019).

Saks (2006) a démontré qu’une communication claire et cohérente avec les employés permet de créer des relations positives avec les employeurs, ainsi il estime que les employés qui bénéficient du soutien de la part de leurs supérieurs hiérarchiques réagissent et s’engagent davantage dans leur travail. Ce qui explique le résultat des recherches réalisées par Therkelsen & Fiebich (2003) qui ont constaté que le superviseur de première ligne était un élément clé de l’engagement des employés. De leur part, H. Jin & McDonald (2016) ont contribué à la compréhension de l'engagement des employés dans le secteur public en mettant l’accent sur les mécanismes par lesquels le soutien des superviseurs influence l'engagement des employés. En s’appuyant sur la théorie du soutien organisationnel (OST) comme cadre théorique directeur, les auteurs ont exploré cette relation à travers une étude qui porte sur les données de l’enquête 2012 réalisée dans le cadre de la collaboration conjointe entre “Governing Instituteˮ et “International Public Management Association for Human Resourcesˮ. 1251 employés des administrations étatiques et locales aux États-Unis ont choisi de participer à l'enquête menée en ligne. Les résultats ont montré que le soutien des superviseurs affecte l’engagement des employés à la fois directement et indirectement par son influence sur le soutien organisationnel perçu. Ainsi, ils ont suggéré que la relation entre le soutien des superviseurs et le soutien organisationnel est modérée par les opportunités d’apprentissage.

D’autre part, Welch & Jackson (2007) ont caractérisé la communication interne comme capitale pour obtenir l'engagement des employés, ils ont estimé qu’une communication fiable, claire et continue permet aux gestionnaires d’aider les employés à comprendre les objectifs stratégiques de l’entreprise dans le but de promouvoir un sentiment d’appartenance et d’engagement chez eux.

En outre, les recherches menées par les consultants de Watson Wyatt (2008) indiquent que les entreprises qui ont communiqué efficacement avec leurs employés étaient quatre fois plus susceptibles d’avoir un niveau élevé d’engagement. Ce faisant, une communication interne satisfaisante favorise le dialogue afin de créer un climat de confiance avec des publics clés et de promouvoir, en conséquence, l’engagement des employés. Une étude de  MacLeod & Clarke (2009) prouve également qu'une communication interne de qualité améliore l'engagement dans les organisations des secteurs public, privé et bénévole. De plus, Lorsqu'un employé se sent impliqué dans l'organisation il sera plus susceptible de développer des relations positives avec d'autres parties prenantes à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise démontrant ainsi son engagement.

Welch (2011) a mis l’accent sur le lien existant entre l'engagement et la communication interne et précise que l'engagement est sous l'influence de la communication. Elle indique que la communication interne peut transférer les valeurs de l’organisation à tous les niveaux des employés de manière efficace et les impliquer dans les objectifs organisationnels, ce qui conduit à la promotion et au développement de l’engagement des employés. Welch a, principalement, développé un modèle conceptuel qui décrit l'influence de la communication sur l'engagement des employés. Dans ce modèle, elle a expliqué l’engagement à travers  ses trois aspects développés par Kahn : émotionnel, cognitif et physique, ces trois aspects sont ensuite associés à trois dimensions : dédicace, absorption et vigueur proposées par Salanova.,Roma, & Bakker (2002) ( Ignatowicz, A., Greenfield, G, & Pappas, Y, 2014).

Karanges, E et al.(2015), ont contribué à la compréhension du rôle de la communication interne et de l’engagement des employés à travers une enquête en ligne administrée par courrier électronique à un panel de consommateurs de 2000 hommes et femmes âgés de 18 à 65 ans et plus, qui sont employés à temps plein ou à temps partiel dans une organisation australienne. Une analyse de régression linéaire a été utilisée pour tester empiriquement les relations entre la communication interne et l'engagement des employés. Les résultats montrent que la communication organisationnelle interne et la communication interne avec les superviseurs ont un rôle important à jouer dans le développement et le maintien d'un engagement optimal des employés.

De même, Verčič & Vokić (2017) ont contribué au corpus croissant de recherches explorant la relation entre la satisfaction de la communication interne (dans le cadre de la communication interne) et l'engagement des employés. Ils ont testé, principalement, la relation entre les huit dimensions de la satisfaction en matière de communication interne et les trois dimensions de l'engagement des employés. Les auteurs ont réalisé une investigation empirique quantitative auprès de 104 répondants sur une population mère de 517 salariés dans une filiale croate de grande taille d'une multinationale de production alimentaire. L’étude a confirmé que la satisfaction en matière de communication interne joue un rôle important dans le niveau élevé d'engagement des employés, à la fois, en tant que concept corrélé et en tant qu'antécédent.

De plus, Cézanne, C et al. (2019) ont proposé dans une recherche antérieure, des cadres théoriques pour aborder l’engagement au travail des salariés, la communication interne de l’entreprise ainsi que les liens entre l’engagement au travail et la communication interne. L’étude empirique porte sur l’enquête REPONSE 2010-2011 (RElations PrOfessionnelles et NégociationS d’Entreprise, Dares)  à partir d’un échantillon de 11 334 salariés de 3 642 établissements français du secteur marchand non agricole. Cette étude quantitative a fourni des éléments empiriques de preuve à l’hypothèse générale définie par les auteurs : la communication interne d’entreprise a un effet positif et significatif sur l’engagement au travail des salariés des établissements français du secteur marchand non agricole du point de vue de leur satisfaction au travail ainsi que du point de vue de leur adhésion aux objectifs de l’entreprise.

Récemment,  Men, L.R., O’Neil, J, & Ewing, M (2020) ont contribué au corpus croissant de connaissances en relations publiques internes, à travers une étude qui démontre la valeur des médias sociaux internes pour stimuler l'engagement des employés. Ils ont proposé  un modèle conceptuel qui joint l'utilisation des médias sociaux internes par les employés, la transparence organisationnelle perçue et l'identification organisationnelle, à l'engagement des employés. Une enquête en ligne a été menée auprès de 1150 employés de diverses organisations aux États-Unis qui avaient adopté les médias sociaux internes. Les résultats montrent que l'utilisation des médias sociaux internes par les employés contribue à un niveau élevé de transparence perçue de l'organisation et de l'identification organisationnelle ce qui, à son tour, conduit à l'engagement des employés.

D’autre part, si le processus de communication interne est caractérisé par l’ouverture et le retour d'information ascendant, ceci encourage la voix des employés qui est reconnue comme un moteur d’engagement (Truss et al., 2006 ; Ruck & Welch, 2012). Cependant, de nombreux gestionnaires n’acceptent pas le partage des informations avec leurs employés. Pour eux, l'information constitue un pouvoir qu'ils ne sont pas disposés à partager « les cadres supérieurs ont tendance à trop critiquer les commentaires négatifs, tout en étant d'accord avec les commentaires positifs » (Tourish & Hargie, 2004, p. 197).

Pour conclure notre analyse de la littérature, notre recherche s’inscrit dans le courant de l’engagement as management practice en portant notre attention sur la communication interne comme cadre de référence. De même, notre étude aborde une lacune en matière de recherche identifiée par Cézanne et al. (2019), qui observent que malgré l’importance de la relation entre la communication interne et l’engagement des employés, l’association n’a pas été, largement, testée de manière empirique. Ainsi, bien qu’un petit nombre de travaux sur le sujet ont été publiés au cours des dernières années, très peu d’études qui ont situé, explicitement, l’engagement des employés dans le secteur public. Cet article aborde cette lacune dans les travaux empiriques et vise à explorer la nature de la relation d’influence existante entre la communication interne et l’engagement des employés dans un contexte spécifique, sous étudié, celui de l’administration publique marocaine. Ce faisant,  une question de recherche est à la base de cette étude:

En quoi la communication interne influence-t-elle l’engagement des employés dans les administrations publiques marocaines ?

METHODOLOGIE

Afin de mieux comprendre les concepts fondamentaux de notre étude et répondre aux objectifs fixés, nous avons d’abord utilisé la technique documentaire par l’exploitation de la littérature existante sur le sujet notamment des ouvrages, des articles scientifiques ainsi que différents textes susceptibles de nous être utile.

Ensuite, Pour mener à bien cette recherche qui vise à montrer l’influence de la communication interne sur l’engagement des employés dans les administrations publiques marocaines, nous avons opté pour une démarche qualitative étant donné son efficacité dans le cadre des recherches exploratoires (Charreire & Durieux ,1999) ainsi que sa souplesse d’ajustement pendant son déroulement. A travers une série d’entretiens semi directifs effectués sur la base d’un guide d’entretien, nous avons obtenu les avis des responsables enquêtés sur notre question de recherche.

Nous avons utilisé la technique d'échantillonnage de convenance dans la constitution de notre échantillon, 10 responsables de 10 administrations publiques ont répondu à nos questions. Ces entretiens exploratoires ont été menés auprès des responsables communication interne  et/ou ressources humaines selon la structure de l’administration enquêtée. Cette étude a été menée durant le mois Mars 2020, les dirigeants interrogés dans le cadre de cette étude relèvent du service public.

Nous avons commencé ces entretiens par une prise de contact avec les personnes interviewées, ensuite, nous avons abordé les thèmes objet de l’enquête, finalement, nous avons achevé les entretiens par une synthèse et une discussion générale sur la communication interne et l’engagement des employés dans la fonction publique.

Nous avons mené les entretiens à l’aide d’un guide d’entretien, ce dernier est structuré sous forme de trois thèmes, à savoir :

L’identification de l’enquêté : ce thème contient des informations générales concernant l’enquêté.

L’engagement des employés : ce thème se rapporte aux informations concernant les moteurs de l’engagement des employés dans l’administration publique, la justification du choix de ces moteurs, les avantages de l’engagement des employés dans ce secteur et ses contraintes.

La communication interne : ce thème a pour objectif de s’interroger sur les formes, les objectifs et les pratiques de la communication interne ainsi que ses liens avec l’engagement des employés.

Les données collectées via cette étude ont été soumises à une analyse de contenu des discours des responsables des administrations publiques ciblés par notre enquête. Chaque conversation a été enregistrée, transcrite et analysée.

Une fois les données sont transcrites, nous avons procédé à leur codification. Au cours de cette étape, nous avons effectué une analyse thématique  qui nous a aidé à ressortir les thèmes tout en repérant des fragments de textes importants dans l’explication de chaque thème. Ensuite, nous avons construit une grille d’analyse qui a été composée des thèmes émergents de l’analyse thématique. Cela nous a permis d’obtenir une liste des occurrences en comptabilisant le nombre de fois où un même concept est cité. Enfin, l'interprétation des données nous a permis de situer les résultats obtenus en rapport avec les objectifs poursuivis par l'étude, à savoir :

  • Identifier les moteurs de l’engagement des employés dans les administrations publiques marocaines ;
  • Ressortir les pratiques de la communication interne qui ont une incidence/effet sur l’engagement des employés ;
  • Montrer de quelle manière la communication interne peut affecter l’engagement des employés.

Pour chaque question posée, nous avons répertorié tous les thèmes et nous avons identifié les plus cités et les moins cités. Nous avons également commenté les résultats, en y ajoutant les points de vue des enquêtés, c’est-à-dire, les phrases intéressantes notées lors du codage des données.

ANALYSE DES RESULTATS

Les résultats de notre enquête sont présentés sous forme de tableaux. Sur chaque tableau, la première colonne reprend les réponses données par nos enquêtés, et la deuxième colonne présente la fréquence de chaque réponse.

Tableau 1. La fréquence d'apparition dans les entretiens des moteurs de l'engagement des employés utilisés dans l'administration publique
Thèmes émergents

Nombre de fois cité

La communication interne 8
Les récompenses et la reconnaissance 5
La formation 2
La rétroaction régulière 3
Les collègues et la relation au travail 3
Les opportunités de croissance 4
La satisfaction au travail 6
L’organisation de l’apprentissage 2
La culture d’entreprise 1

Source: élaboration personnelle 

L’analyse des différents entretiens nous a permis de relever les moteurs de l’engagement des employés utilisés dans les administrations publiques marocaines. Nous remarquons en premier lieu que la communication interne figure en première place parmi ces moteurs, du fait, qu’elle est citée 8 fois par les personnes enquêtées, en deuxième lieu se trouve la satisfaction au travail citée 6 fois et en troisième lieu, les récompenses et la reconnaissance citées 5 fois.

Un directeur ressources humaines avec 20 ans d’expérience a déclaré que : « la communication organisationnelle interne a un rôle important à jouer dans le développement et le maintien d'un engagement optimal des employés ».

Nous pouvons conclure que les responsables ont recours à des moteurs d’engagement des employés plutôt symboliques que matériels, les moteurs matériels à savoir les récompenses se limitent aux administrations publiques bénéficiant d’une certaine autonomie financière.

Pour mieux comprendre cette préférence pour ces moteurs d’engagement au détriment des autres éléments, nous avons analysé dans ce qui suit les réponses relatives à la justification du choix des moteurs utilisés par les responsables enquêtés. Les résultats de cette analyse se présentent comme suit :

Tableau 2. La fréquence d'apparition dans les entretiens des raisons du choix des moteurs d'engagement utilisés
Thèmes émergents Nombre de fois cité
Sens, efficacité, utilité 4
Importance stratégique 6
Coûts des pratiques d’engagement 7
Effet et rentabilité 5
Expérience et contexte du travail 3

Source: élaboration personnelle 

Ce tableau montre que les raisons avancées pour justifier le choix des moteurs de l’engagement utilisés concernent, en premier lieu, les coûts liés aux pratiques de l’engagement des employés (cité dans 7 entretiens):

« Pour engager nos employés, nous utilisons des moyens non couteux disponibles et accessibles à travers des gestes quotidiens, pour assurer leur satisfaction et par conséquent augmenter leur niveau d’engagement, ceci nous aident à compenser notre manque de contrôle sur la rémunération et l’absence d’un régime de primes, aussi notre choix est dicté par le contexte du travail au sein des administrations publiques marocaines ». Avance un interviewé.

En deuxième lieu, 6 responsables justifient leurs choix par l’importance stratégique des moteurs choisis, comme a déclaré un responsable de communication interne et consultant en matière de développement des ressources humaines :

 « …le choix de la communication interne comme un moteur d’engagement des employés revient à sa place stratégique, son importance a été démontrée sur plusieurs niveaux vu que tout baigne dans la communication ».

Au troisième rang, figure l’effet et la rentabilité des employés (cité 5 fois). Les autres raisons ne sont pas citées avec la même intensité par les responsables interviewés.

Les responsables des administrations publiques avancent qu’ils n’utilisent pas forcement des critères d’efficacité ou de résultats attendus, comme critères de choix des moteurs d’engagement des employés  émergés de notre enquête. Ils se contentent d’éléments existants, accessibles et disponibles, et tentent de faire face aux contraintes qui bloquent ces moteurs dans le secteur public. Ainsi, la faiblesse des incitations financières, du degré d’autonomie et de l’augmentation des coûts des pratiques nécessaires pour susciter l’engagement des employés pèsent lourdement sur l’action de ces responsables en matière d’engagement.

Tableau 3. La fréquence d'apparition dans les entretiens des avantages de l'engagement des employés
Thèmes émergents Nombre de fois cité
Efficacité et efficience 4
Potentiel de l’employé 6
Responsabilisation 5
Productivité 8
Innovation et réactivité 7

Source: élaboration personnelle 

Il ressort du tableau ci-avant les résultats suivants : Sur les 10 responsables interrogés par rapport aux avantages de l’engagement des employés dans le secteur public, 8 responsables ont cité la productivité au travail, selon un responsable interrogé : « l’engagement des employés au travail occupe une place primordiale, il est devenu un enjeu important…cela peut se traduire par des revenus plus élevés et une augmentation de la productivité ». Suivie par l’innovation et la réactivité citées dans 7 entretiens, comme explique l’un des responsables: « les employés engagés sont aussi innovants et réactifs voir plus qu’un cadre ou directeur… ».

Un haut potentiel de l’employé figure aussi parmi ces avantages cités dans 6 entretiens, en voici un exemple fourni par un DRH qui a 35 ans d’expérience dans le secteur public : « Compétence + Engagement = Potentiel ».

Lorsque les employés sont engagés, les responsables constatent un niveau de responsabilisation élevée, une augmentation de la productivité, des employés plus réactifs et innovants en raison de leur satisfaction au travail, cela permet, en conséquence, l’amélioration du  potentiel des employés.

Tableau 4.la fréquence d'apparition dans les entretiens des formes de communication interne dans l'administration publique
Thèmes émergents Nombre de fois cité
Communication descendante 7
Communication ascendante 1
Communication descendante et ascendante 2
Communication latérale 5

Source: élaboration personnelle 

Nous observons que la forme de communication la plus dominante dans les administrations publiques est la communication descendante, citée par 7 responsables qui utilisent cette forme de communication. Suivie par la communication latérale utilisée par 5 responsables, tandis que 2 responsables ont recours à la communication ascendante et descendante à la fois. Alors que la communication ascendante reste timide (citée dans un seul entretien).

Ces résultats s’expliquent par le style de management appliqué dans les administrations publiques marocaines dont les pouvoirs sont centralisés au niveau du top management qui se charge des décisions importantes et réduit la communication à la transmission des instructions et des consignes de travail.

Tableau 5. La fréquence d'apparition dans les entretiens des objectifs de la communication interne
Thèmes émergents Nombre de fois cité
Informer 9
Motiver 4
Partager l’information 6
Favoriser la collaboration et la cohésion 5
Adhérer les fonctionnaires 8
Engager et mobiliser les équipes 7

Source: élaboration personnelle 

D’après le tableau ci-avant, La communication interne a comme premier objectif d’informer les collaborateurs, cet objectif est cité dans 9 entretiens :

« L’objectif de la communication interne dans notre organisation est de transmettre l’information, de tenir les employés informés des objectifs économiques, financiers, sociaux, politiques, et éthiques. Et finalement, communiquer la finalité et la stratégie de l'organisation » Avance un responsable ressources humaines.

En deuxième lieu, 8 responsables assignent à la communication interne l’objectif de faire adhérer les fonctionnaires, (cité 8 fois dans les entretiens). Par exemple : 

« Adhérer les fonctionnaires aux stratégies de l'administration publique est parmi les objectifs de la communication qu’il faut chercher à atteindre pour assurer une meilleure productivité, qui se traduira par un meilleur service au profit des citoyens ».

Et en troisième lieu, l’objectif d’engager et mobiliser les équipes est cité par 7 responsables interrogés.

Ce qui montre que la communication interne dans les administrations publiques, en plus de son rôle de transmission des consignes et de partage d’information, elle peut aussi jouer un rôle social et stratégique qui consiste à mobiliser les employés, ainsi qu’améliorer leur niveau d’engagement à travers ses pratiques d’information, de consultation et d’adhésion des employés.

Tableau 6.La fréquence d’apparition dans les entretiens des déterminants de l’efficacité de la communication interne
Thèmes émergents Nombre de fois cité
La participation des collaborateurs 6
Transparence, clarté et sincérité 4
L’écoute active et permanente des fonctionnaires 5
Climat social 4
Qualité des canaux de communication 3
Style de management 7

Source: élaboration personnelle 

Selon 7 responsables, l’efficacité de la communication interne dans leur administration dépend, en premier lieu, du style de management adopté (cité dans 7 entretiens). En deuxième lieu, apparait la participation des collaborateurs comme un déterminant important cité dans 6 entretiens. En troisième lieu, figure l’écoute active et permanente des fonctionnaires citées par 5 responsables interviewés.

Un exemple d’un témoignage : « être à l'écoute active et permanente des fonctionnaires, considérer leurs obstacles dans l'exécution de leur tâches, fournir les outils nécessaires au travail, et les conditions sociales au moins celles basique : là se sont les vrais déterminants de l’efficacité de cette pièce maitresse (à savoir la communication interne) ».

Les résultats obtenus ci-haut, montrent que le mode de management adopté, la promotion de la participation, la transparence et la contribution des employés ainsi que l’écoute active et permanente qui augmentent le degré de réceptivité des managers, sont des facteurs déterminants pour la qualité et la valeur ajoutée des pratiques de la communication interne sur l’engagement des employés dans l’administration publique.

Tableau 7.La fréquence d’apparition dans les entretiens : l’existence d’une relation d’influence entre la communication interne et l’engagement des employés
Thèmes émergents Nombre de fois cité
Absence de relation 1
Une relation positive 9
Une relation négative 0

Source: élaboration personnelle 

Le résultat ci-dessus montre que la majorité des responsables (9 responsables interviewés), affirme l’existence d’une relation positive entre la communication interne et l’engagement des employés. Néanmoins, les résultats obtenus nous amènent à noter une certaine différence dans les propos des responsables interviewés :

-Certains responsables avancent qu’il s’agit d’une relation directe et que les pratiques de la communication interne sont suffisantes à elles seules pour engager les employés :

« Si le salarié s’est informé par tous ce qui se passe au sein de l'administration, il va automatiquement se sentir engagé. Quand il y a de la sincérité et du partage, le salarié fait naître un sentiment d'appartenance qui se traduit directement par un engagement total ».

« Oui effectivement, la communication interne a un effet incontournable sur l'engagement des employés ».

« Oui bien sûr, mieux communiquer mieux engager ».

-D’autres responsables estiment qu’il s’agit d’une relation positive mais indirecte. Les exemples suivants démontrent ce résultat obtenu :

« Oui effectivement, la communication interne permet la motivation des employés et la cohésion de l'ensemble, et par conséquent, l’augmentation de  leur niveau d’engagement ».

« La communication interne permet à chacun des employés de se sentir concerné et acteur dans le développement de l'entreprise ce qui renforce leur engagement. Mais seule elle demeure insuffisante, c’est un outil parmi d’autres ».

DISCUSSION

D’abord, il est important de préciser que la majorité de notre échantillon déclare que le niveau d’engagement des employés dans leur administration est qualifié d’élevé et satisfaisant. Ce résultat permet de changer la vision qu’ont les gens des services publics qui sont considérés comme des services où les employés sont préoccupés surtout par leurs privilèges. Pour les éléments utilisés pour susciter l’engagement de ces fonctionnaires, les responsables interrogés ont expliqué que des facteurs immatériels comme la communication interne, le climat social et la rétroaction régulière constituent des moteurs d’engagement efficaces. Le choix de ces éléments est souvent exigé par la marge de manœuvre limitée des administrations publiques en matière de moyens matériels (rémunérations, primes, etc.).

La communication interne permet de dépasser cette contrainte, elle représente un moteur d’engagement peu coûteux qui permet de toucher une large partie du personnel. Ainsi, cette étude nous a permis de souligner le rôle important que joue la communication interne dans l’engagement des employés. Selon les responsables interviewés, la promotion de l'engagement des employés est considérée comme un aspect important de leur travail. Ce qui montre que ces responsables s’appuient sur une communication transparente et sincère avec les employés (Dolphin, 2005). Ainsi, en choisissant les canaux adaptés, les employés seront orientés vers les mêmes objectifs de la stratégie de l’organisation et d’instaurer ses principes. La communication interne aide à expliquer, anticiper et encourager les employés dans les actions prises, ce qui permet de créer un lien d’adhésion et d’implication ainsi de susciter un sentiment d’appartenance à l’administration.

Concernant les formes de la communication interne, nous constatons que la communication descendante est la plus dominante dans les administrations publiques qui ont fait l’objet de notre enquête, cela s’explique généralement par le style de management adopté. Dans ce type de structure, les pouvoirs sont centralisés dans le top management qui se charge des décisions prises et attache à la communication la mission de la transmission des instructions et des consignes de travail aux employés. Pour ce qui est des moyens de communication utilisés dans ces administrations nous trouvons des supports écrits, oraux ou médiatiques qui sont classiques ou modernes et qui se varient en fonction de la taille et des services offerts par ces administrations, par exemple les réunions de partage, la revue interne, l’affichage, newsletter, circulaires, facebook at work.etc.

Quant aux objectifs assignés à une politique de communication interne il s’agit, en premier lieu, d’informer les employés afin de leur donner le sentiment qu’ils sont pris en considération et leur permettre de se situer dans l’organisation, pourtant cette communication instrumentale demeure insuffisante pour stimuler l’engagement des employés comme il a été souligné par Cézanne et al. (2019). En deuxième lieu, les responsables ont cité l’adhésion et la participation des employés aux objectifs de l’organisation comme des objectifs de la communication interne participative centrée sur les employés. En effet, Notre travail se positionne dans la perspective intégratrice de la communication interne d’entreprise, étant donné que les pratiques de participation mobilisées par les administrations étudiées  permettent aux employés de se positionner dans leur environnement organisationnel et de prendre part aux actions collectives, favorisant ainsi leur engagement individuel et, par conséquence, la performance de l’entreprise (Kompaso & Sridevi, 2010).

Enfin, nos résultats ont confirmé l’existence d’une relation d’influence positive entre la communication interne et l’engagement des employés dans les administrations publiques ayant fait l’objet de notre enquête exploratoire. Ce constat s’inscrit dans la lignée des conclusions de Verçiç & Vokic (2017) qui ont montré que les pratiques de la communication interne sont décisives pour l’engagement des employés.

En outre, notre recherche contribue à enrichir les études récentes exploratoires et qualitatives du courant émergeant du management de l’engagement des salariés au travail (engagement as management practice) (Bailey et al., 2017; Saks, 2017). Cette conceptualisation de l’engagement diffère de celle qui considère l’engagement comme état psychologique et se situe dans le champ d’intérêt établit autour de la participation et de l’implication des salariés (Cézanne et al., 2019). Ainsi notre travail a répondu à l’appel de certains auteurs (Rich et al., 2010 ; Truss et al., 2013 ; Barrick et al., 2015) de développer ce courant du management de l’engagement des salariés au travail, tout en apportant des éléments de réponse à la question concernant les moteurs qui sont susceptibles d’encourager l’engagement des employés.

En dernier lieu, nous avons constaté que la participation, la transparence, l’adhésion et l’écoute active et permanente des employés sont les pratiques de la communication interne les plus pertinentes et efficaces pour susciter l’engagement des employés dans l’administration publique marocaine.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Notre étude qualitative exploratoire a apporté plus d’éclairage sur la nature de la relation entre la communication interne et l’engagement des employés dans un contexte spécifique, celui des administrations publiques marocaines. Nous avons fourni des preuves empiriques qui confirment que la communication interne à travers ses pratiques, joue un rôle important dans la mobilisation et l’engagement des employés dans le secteur public marocain.

Nos résultats s’ajoutent à la littérature limitée en rapport avec ce sujet qui est sous étudié dans le service public, ils ont montré que la communication interne dans la fonction publique contribue à l’engagement des employés soit directement ou indirectement en favorisant un climat opportun à travers des pratiques de participation, d’adhésion et d’écoute active et permanente des employés.

Cependant, ce travail n’est pas exempt de limites lesquelles constituent autant de prolongements potentiels. D’abord, Bien qu’elles représentent diverses administrations, cette étude exploratoire n’a interrogé que dix responsables qui sont toujours représentatifs du domaine de la gestion des ressources humaines. Ensuite, cette étude n’est pas longitudinale car elle a interrogé ces responsables à un moment donné, les recherches à venir pourraient adopter une démarche comparative dans le temps afin d’observer l’évolution de la relation entre les pratiques de la communication interne et  l’engagement des employés pour pouvoir explorer les effets causaux. Puis, des recherches futures pourraient envisager d’étudier un groupe plus important d’employés et de cadres d’une même organisation publique pour déterminer si la relation d’influence positive est toujours maintenue. De plus, notre échantillon est très petit, cette limite d'échantillonnage réduit la capacité de généraliser les résultats à l'ensemble de la population. Cette étude doit donc être considérée comme une étude pilote et une première étape dans une ligne de recherche plus large sur la relation entre la communication interne et l'engagement des employés.

Egalement, des recherches qualitatives supplémentaires pourraient permettre de mieux comprendre les perceptions des employés et des cadres à l'égard de la communication interne et comment cette fonction pourrait être plus efficace pour améliorer l'engagement des employés.

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Welch, M. (2011). The evolution of the employee engagement concept: Communication implications. Corporate communications: An international journal, 16(4), 328-346. https://doi.org/10.1108 / 13563281111186968

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Les stratégies émergentes en communication interne à l'Université de Lomé

Namoin Yao-Baglo

La communication interne est l’une des composantes de la communication globale jouant un rôle essentiel dans la gestion des organisations. Pourtant, très peu d’elles, notamment publiques, disposent de réelles stratégies de communication interne. Partant de la modélisation proposée par Valérie Carayol, ce travail vise à décrire les stratégies émergentes en matière de communication interne à l’Université de Lomé d’une part, et, à déceler les différentes dimensions mises en œuvre par les principaux acteurs intervenant dans sa gestion quotidienne d’autre part....

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