N°5 / Processus de normalisation et durabilité de l’information

Normalisation d’un outil lié à l’évolution des pratiques dans le cadre d’un nouveau champ de recherche patrimonial – le cas de la mission PATSTEC

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Valérie Joyaux

Résumé

Une étude réalisée entre 1996 et 1999 à l’Université de Nantes, a révélé la disparition progressive du patrimoine dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Sous l’impulsion du Musée des arts et métiers en 2003, une mission nationale de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain organisée en réseau, a vu le jour pour y remédier.
Ce patrimoine, de par ses spécificités, a nécessité la mise en place par la mission d’un outil technique innovant et original….
Aujourd’hui, celui-ci est standardisé permettant son usage à tous les membres ou à toutes les institutions souhaitant travailler sur tout patrimoine scientifique et technique. Il est néanmoins évolutif en lien avec les pratiques et les besoins du terrain. Ainsi, il bénéficie du dynamisme et des compétences des membres du réseau qui l’enrichissent de nombreux contenus documentaires et informatifs.
Enfin, dans le cadre de la mise en place de la normalisation des données culturelles en lien avec le web de données et le web sémantique, la Mission nationale travaille à adapter ses outils afin de rendre plus visible ce patrimoine et en valoriser les inventaires, point de départ de futures recherches patrimoniales.

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Abstract :A study conducted between 1996 and 1999 at the University of Nantes revealed the gradual disappearance of heritage in higher education and research institutions. Under the leadership of the Museum of Arts and Crafts in 2003, a national mission for the safeguarding of contemporary scientific and technical heritage organized in network was born to remedy it.
This heritage, by its specificities, required the establishment by the mission of an innovative and original technical tool....
Today, it is standardized allowing its use to all members or all institutions wishing to work on any scientific and technical heritage. It is nonetheless evolving in relation to the practices and needs of the field. Thus, it benefits from the dynamism and skills of the members of the network which enrich it with numerous documentary and informative contents.
Finally, as part of the implementation of the standardization of cultural data in relation to the web of data and the semantic web, the National Mission is working to adapt its tools in order to make this heritage more visible and to valorize its inventories, starting point for future heritage research.

Keywords : Heritage, Science and technology, Contemporary, Patstec   

 

CONTEXTE

Robert Halleux (Halleux, 1996) rappelle que le XXe siècle a connu plus de révolutions scientifiques et technologiques que tous les autres siècles mis ensemble[1] et ceci notamment à partir de la seconde guerre mondiale. Ces évolutions ne concernent pas seulement les scientifiques, industriels ou ingénieurs, elles ont également un impact considérable dans la vie quotidienne de chacun touchant à la fois à l’infiniment grand et l’infiniment petit.

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Figure 1 : Grand équatorial de l'Observatoire de Lille © et Puce à ADN © Université de Nantes

 

Jusque dans les années 1980, les pouvoirs publics s’intéressent très peu à la conservation des traces de ces bouleversements scientifiques. Il faut attendre des programmes comme « Remus », financé par le ministère de la Recherche, de l’enseignement supérieur et le ministère de la Culture qui vise à favoriser les échanges entre les équipes des musées, les chercheurs des universités et les muséologues (OCIM, 1993) et le programme national sur la sauvegarde du « patrimoine des observatoires astronomiques », financé conjointement par le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur et le ministère de la Culture (Catherine, 2007) pour changer cela.

Les efforts se concentrent alors sur la culture scientifique et technique sans considérer la nécessité de replacer ces connaissances scientifiques dans le contexte de la recherche qui les a vu naître ou de les illustrer avec les appareils et les instruments ayant permis ces développements.

Les années 1980 sont voient aussi le départ en retraite d’un grand nombre d’enseignants-chercheurs et de techniciens ayant participé à l’évolution de cette recherche depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et avec eux c’est tout un pan de cette recherche contemporaine qui disparait progressivement. Ce capital humain ne bénéficie aujourd’hui d’aucune procédure permettant la transmission d’expérience et de connaissances. Il n’en est laissé aucune trace matérielle, aucun témoignage à transmettre aux nouvelles générations (Ballé, Cuenca, & Thoulouze, 2010).

Considérés sans intérêt par la recherche et l’industrie, ces instruments et savoirs sont mis au rebut et oubliés. Il en est de même pour les savoir-faire liés à la conception ou l’utilisation des ces appareils ainsi que l’histoire des équipes de recherche et des laboratoires.

C’est dans ce contexte que les ministères de la Recherche et de l’Éducation nationale ont mis en place une Mission nationale de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique du patrimoine scientifique et technique contemporain dont la responsabilité revient au musée des Arts et Métiers à partir de 2003.

OBJECTIFS DE LA MISSION

Cette Mission trouve son fondement scientifique dans les résultats d’un travail de sept années réalisé notamment à l’Université de Nantes et en région Pays de la Loire. En effet, une étude réalisée entre 1996 et 1999 à l’Université de Nantes (Ballé, Cuenca, & Thomas, 2005), a mis en lumière l’intérêt scientifique, historique et industriel de ce patrimoine[2] dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Cette étude s’est ensuite étendue à la région Pays de la Loire entre 1999 et 2003.

C’est sur ces bases que la Mission nationale s’est organisée et elle s’étend aujourd’hui autour d’un réseau d’une vingtaine d’institutions publiques et privées et de plus de 200 personnes qualifiées parmi lesquels des professionnels du patrimoine et de la documentation, des scientifiques, des chercheurs et 150 bénévoles.

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Figure 2 : Carte réseau de la Mission de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain

 

L’un des objectifs de la Mission et du réseau[3] est de sensibiliser les propriétaires à la conservation de leurs instruments scientifiques techniques ainsi que leurs savoir-faire et la documentation associée, qui permettront de contextualiser ces objets de laboratoires. Cette sauvegarde passe par un travail de collecte, d’inventaire qui permet ensuite une valorisation de ce patrimoine matériel et immatériel de la recherche publique et privée des soixante dernières années. Basé sur les méthodologies et les outils mis en place à l’Université de Nantes et testés au niveau de la région Pays de la Loire, la Mission nationale se développe et met en œuvre, au niveau de missions partenaires, ces méthodologies (Ballé, Cuenca, Chambaud, & Thoulouze, 2016).

QUELS OUTILS POUR GERER CE NOUVEAU CHAMP PATRIMONIAL

Les difficultés rencontrées

Comme nous l’avons évoqué, les scientifiques, industriels et ingénieurs ont produit énormément de résultats de recherche et de données à partir d’un nombre très important de matériels et ce dans toutes les disciplines. Ainsi, naturellement, les instruments et les appareils collectés par les missions sur le terrain vont refléter cette richesse. Effectivement il s’agit autant d’appareils issus de la « Big Science » que d’appareils de routine mais aussi des systèmes ou chaînes d’appareils qui sont assemblés à l’occasion d’une expérimentation particulière. Ce type d’instrumentation, très spécifique, pose à terme des questions sur leur patrimonialisation, en effet, ils n’ont aucun statut dans leur établissement autre que le fait d’être inscrit à l’inventaire administratif.

Les professionnels du patrimoine se doivent aussi d’appréhender de manière globale ces objets en les replaçant dans leur contexte de création. Par exemple, ainsi que l’explique Maxence Gaillard (Gaillard, 2016), un accélérateur de particule, ne peut être vu uniquement comme un simple outil de l’expérimentation. Il doit être appréhendé comme étant un élément composant une partie d’un programme de recherche théorique. En effet, un équipement dont la construction mobilise des milliers de personnes sur une dizaine d’années et dont les résultats sont exploités par des milliers de chercheurs dans des disciplines diverses, nécessite, pour les professionnels du patrimoine, de réfléchir à cet ensemble au delà de l’accélérateur en lui-même. Il convient, dans le même ordre d’idée, de réfléchir au mode de conservation des systèmes complexes, associant divers appareils destinés à une expérimentation spécifique et dont le montage ne dure que le temps de cette expérimentation.

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Figure 3 : Dispositif d'analyse thermogravimétrique alliant un spectromètre de masse LEYBOLD INFICON avec un système d'analyse thermique SETARAM TGA 92 (1975-200) © Université de Nantes 

Il est également problématique de traiter des instruments de grandes tailles de la même manière que les objets miniaturisés. En effet, leur conservation pose question pour les plus imposants du fait du manque de place et pour les plus petits de leur lisibilité.

Enfin d’autres interrogations se posent lors de ces collectes. En effet, les laboratoires développent aussi leur propre instrumentation, appareils uniques résultats de collaboration entre chercheurs et ingénieurs de haut niveau (Ramunni, 2012) et dont l’usage est parfois éphémère dans le cadre d’un projet de recherche spécifique.

Enfin, il convient aussi de considérer les appareils dit de « routine ». En effet, le développement de la recherche et de l’enseignement a entraîné l’utilisation d’instruments fabriqués en plus ou moins grande série. Achetés en grand nombre, les développements extrêmement rapides ont rendu ces instruments rapidement obsolètes et remplacés.

Souvent peu esthétiques, surnommés « boites noires », ils n’ont pas suscité l’intérêt des collectionneurs à l’exception de passionnés de composés électroniques ou d’informatiques à l’inverse des appareils plus anciens.

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Figure 4 : Polarimètre à double graduation à pénombre dit "de Laurent", Pays de la Loire, années 1900 © Université de Nantes et Polarimètre Atago Polax-2L, Auvergne, années 1975 © Musée Lecoq 

Tous ces instruments et appareils courent le risque, à la fin de leur période d’usage, d’être cannibalisés, pour récupérer des pièces détachées utilisables, ou tout simplement laissés dans un coin du laboratoire jusqu’à leur mise au rebut.

Une autre difficulté provient du fait que le travail sur le terrain des missions du réseau Patstec se déroule dans des lieux n’ayant pas pour vocation la conservation patrimoniale, de plus, les propriétaires de ces objets sont soucieux d’innover et ne réalise pas l’existence d’un patrimoine dans leur laboratoire. A la découverte de ces éléments par le chargé d’inventaire, il est nécessaire, dans un premier temps, de juger de l’intérêt scientifique et situer les appareils dans une évolution technologique. Le professionnel s’interroge alors sur la conservation de ces objets au regard des informations que peuvent lui fournir les personnes les conservant. Souvent, malheureusement, le travail de collecte et de tri se heurte à l’absence de sources documentaires ainsi et des manques dans les connaissances de ces personnes qui souvent ont toujours vus ces objets dans un coin et donc ne savent ni comment et ni à quoi ils ont a servi. Le tri doit être réalisé parmi la masse des appareils stockés. Les critères utilisés sont l’intérêt scientifique, l’histoire et le contexte, l’état de l’appareil, peut-il être mis en fonctionnement et la connaissance de son usage dans le laboratoire notamment.

Ainsi, les méthodologies de tri sur le terrain s’affinent dans le temps et selon les résultats et objets sauvegardés par les membres du réseau. En effet, l’un des objectifs de la Mission nationale est de créer un corpus d’objets représentatifs de l’activité scientifique des soixante dernières années qui pourrait servir de référence. La constitution de ce corpus d’objets riches et variés pose des questions patrimoniales et juridiques. Leur abondance nécessite une sélection et des critères de choix des objets, comme nous l’avons évoqué, en même temps que de résoudre la problématique de leur propriété afin de leur donner un statut (Catherine, 2007).

Les outils développés

Ainsi des méthodes et des outils adaptés ont dû être conçus pour traiter et conserver les informations relatives à ce patrimoine. Pour cela, la Mission a étudié des procédés de reengenieering. Ainsi que l’explique Michel Cotte (Cotte, 2009), ces procédés permettent de conserver numériquement les données sur les objets trop grands pour être gardés dans leur ensemble. L’avantage de ces techniques est de pouvoir les montrer en fonctionnement tout en conservant les informations les caractérisant. La Mission a aussi étudié divers modèles de structuration des données et notamment les méthodes de description utilisées par le service de l’Inventaire général et des archivistes confrontés à des mètres linéaires d’archives. Ainsi, la Mission a développé un outil spécifique et adapté avec l’aide d’un groupe d’experts, constitué de scientifiques reconnus dans leur discipline.

Le système, sous forme de base de données, permet donc de conserver les informations matérielles, liées à la description des objets, aux médias ou documents associés, mais aussi les éléments immatériels dont le système va permettre de transcrire les informations stockées dans des interviews vidéo ou audio de chercheurs, de techniciens ou de personnels liés aux objets. Ce système autorise également la sauvegarde des animations et la création des éléments de valorisation tels que des expositions ou des collections d’objets virtuelles. La base de données est associée à un site Internet sémantique et dynamique. Ces outils constituent un « espace de ressources », à la disposition des membres du réseau et du grand public, qui y trouvent de multiples éléments sur le thème du patrimoine scientifique et technique contemporain.

 

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Figure 5 : Page d’accueil du site Internet www.patstec.fr

L’entrée des données se fait de manière collaborative : chaque mission partenaire est chargée de repérer, d’inventorier de documenter et de photographier les objets et leurs éléments associés dans les laboratoires et les entreprises. Ce fonctionnement permet en conséquence d’enrichir le contenu de base de données nationale, ce qui est définit par convention.

 

Au fur et à mesure de l’évolution, et comme nous l’avons vu, au fur et à mesure de l’affinement des méthodes de tri et de sélection, les pratiques et outils se sont normalisés. En presque 15 ans, les compétences et les méthodologies de travail ont émergé et se sont affirmées en même temps que professionnalisées.

Plusieurs groupes de travail thématiques (usage de la base, tri et sélection des objets, communication) impliquent les membres du réseau national, avec l’objectif de développer des projets communs et collaboratifs. La diversité des profils des membres du réseau (scientifiques, documentalistes, muséologues et conservateurs, médiateurs, communicants…) permet de s’appuyer sur des compétences professionnelles qui assurent la richesse des échanges.

Aujourd’hui, l’outil est standardisé et est commun dans son usage à tous les membres ou institutions souhaitant travailler sur le patrimoine en question. Cette standardisation se traduit par un suivi imposé des règles de saisie, ainsi que des normes qui sont précisées et rédigées. Ces normes et règles ont été définie à partir des outils développés pour la gestion informationnelle en milieu muséal. Ce principe ne rentre pas en contradiction avec l’évolutivité recherchée de l’outil, évoqué précédemment.

Certes, l’accès en ligne à l’outil favorise les échanges entre les membres, la synchronisation des modifications des données avec le site Internet représentant ainsi des atouts pour le travail d’inventaire. Néanmoins, ces fonctionnalités s’accompagnent et nécessitent, en parallèle, un contrôle régulier du contenu des fiches par la cellule de coordination de la Mission nationale afin de s’assurer de la qualité et de l’homogénéité des informations saisies.

 

La base de données est centrée sur ce que nous appelons la table inventaire, dont la fiche inventaire de l’instrument est l’élément essentiel. Cette dernière possède plusieurs champs informatifs qui permettent de rendre compte de la spécificité de ce patrimoine. Cette scission de l’information est nécessaire pour contextualiser et comprendre ces objets spécifiques.

Par exemple, il est apparu nécessaire de pouvoir différencier les fabricants des distributeurs, afin de pouvoir comprendre l’organisation du commerce et des chaînes de diffusion des appareils scientifiques dans le monde contemporain. Des champs spécifiques sont destinés à conserver des informations qui ne peuvent être normalisées et qui sont donc laissées en langage libre telle que la dénomination de l’appareil. Nous pouvons ainsi renseigner d’une part, la dénomination « officielle » de l’instrument et d’autre part, la dénomination utilisée par le chercheur ou le laboratoire. L’intérêt de ce recensement est à souligner pour assurer la concordance des dénominations afin de faire correspondre par exemple l’appareil cité par un chercheur dans son cahier de laboratoire et la dénomination normalisée de l’appareil issue du catalogue d’un fabriquant.

Des tables et fiches spécifiques ont aussi été développées afin de pouvoir conserver les informations contenues dans des vidéos, photos ou documents associés à un appareil ainsi que celles relatives aux personnes ou aux organismes liés à ces instruments. Ainsi, chaque fiche de chaque table peut aussi être reliée aux autres en fonction de liens hiérarchiques par exemple. Il s’agissait par là de répondre d’une part à l’exigence informationnelle, mais aussi par exemple pour pouvoir recomposer des lignées techniques d’appareils dans un contexte plus large de connaissance, comme l’a théorisé Gilbert Simondon (Simondon, 2005).

 

Les objets sont donc liés à diverses sources d’information et une modélisation de ces liens (Chambonnet, 2015) fait apparaître à la fois les objets, les types d’objets, les personnes et organismes. On retrouve aussi un journal qui permet d’indiquer par exemple les évènements comme les expositions qui ont permit de présenter les objets, mais aussi les lieux, les éléments immatériels comme des vidéos ou des parcours de chercheurs… et les domaines scientifiques (physique, chimie, médecine, biologie...).

 

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Figure 6 : Modélisation des informations autour d’un objet « Patstec »

L’organisation des informations fait émerger ce que nous avons nommé des « dossiers d’objet »[4]. Ils permettent de relier les inventaires, les documents, les archives écrites et orales et les photographies liés à un appareil. Ces dossiers à l’image des dossiers d’œuvre des musées, visent l’unité documentaire en rassemblant toutes les informations se rapportant à l’objet sauvegardé qui permettront de le contextualiser.

 

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Figure 7 : Concept d’un dossier d’objet 

Le réseau de la Mission possède aujourd’hui une expertise collective importante, à la fois en termes d’identification et de description des instruments, mais aussi en termes de connaissance du « principe scientifique » de fonctionnement de nombreux instruments récents. Cette expertise ainsi que l’étude des plus de 18000 fiches répertoriées dans la base de données, constituent une source d’information importante qui pourra être utilisée par les chercheurs en histoire contemporaine des sciences et techniques.

Les évolutions envisagées et en cours d’étude

Les réflexions sur cet outil sont encore nombreuses. En effet, des travaux sont en cours afin de faire évoluer la base de données et notamment l’indexation des fiches d’inventaires, le référencement des fiches visibles sur le site Internet et, de manière plus générale, l’ouverture des données.

L’indexation actuelle des fiches inventaire se fait suivant trois niveaux : domaines, sous-domaines et mots-clés. Elle a été réalisée de manière à répondre aux spécificités de ce patrimoine scientifique et technique et correspond aux les domaines de recherche des laboratoires, des services ou des lieux utilisant les instruments en question. Un travail de normalisation est en cours. Il se réfère à l’étude de listes d’autorité, de plans de classement et thésaurus spécifiques comme celui du CNRS, de l’INPI ou de l’inventaire général. Les spécificités de ce patrimoine, ainsi que la façon dont nous les regardons, impliquent de suivre des modes de catégorisation adaptés. Les connaissances scientifiques et techniques au 20ème siècle et les appareils se sont hyper-spécialisés et fragmentés. C’est ce foisonnement et cette complexité toujours croissants que doit refléter les outils imaginés. C’est à cette condition que notre travail sera compris.

 

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Figure 8 : Graph des statistiques par domaines et sous-domaines 

Des questions se posent afin de relier notre vision des appareils et la vision des publics pouvant utiliser nos ressources. Sachant que les instruments sont actuellement inventoriés et classifiés en fonction des lieux de leur utilisation, il est apparu nécessaire de pouvoir disposer d’une information concernant ce que nous avons appelé le « domaine instrumental » de l’objet. En effet, par exemple, un microscope est connu comme un instrument d’optique, qui correspond à son « domaine instrumental ». Cependant, il aura pu servir à l’observation de différents échantillons dans un laboratoire de minéralogie et sera dans notre système classé en domaine « géologie » et sous-domaine « minéralogie ». Il conviendra d’être prudent dans l’usage d’un même terme dans différentes listes d’autorité à l’instar du sous-domaine « biochimie » qui peut dépendre du domaine de la « chimie » comme du domaine de la « santé ».

Cette indexation est importante et permet de réaliser des liens entre les objets. Par exemple, des appareils d’observation du corps humain n’utilisant pas la même technique, tels que les endoscopes ou des appareils de radiographie, ont été reliés par des mots-clés similaires. D’autres liens pourraient être développés, notamment en utilisant des données accessibles, structurées et liées entre elles sémantiquement, dans le cadre du web de données, afin de donner plusieurs point de vue sur les objets et donc d’envisager une recherche par facettes, telle que définie par Jacques Maniez (Maniez, 1999). Par exemple, nous pourrions mettre en place une recherche qui permettrait de trouver toutes les ressources liées au vin et la filtration des informations et de la navigation pourrait se faire par région, par couleur ou par millésime…

L’harmonisation et l’utilisation de modèles de données pour notre outil sert notamment à rendre plus visible ce patrimoine et à valoriser ces inventaires. C’est cette normalisation qui servira de point de départ pour de futures recherches dans le domaine patrimoniale. Dans le monde culturel et notamment muséal, l’idéologie d’un musée « hors les murs » et « global » ne pourra s’envisager que dans le cadre du web de données ouvert. Cela permettra à des institutions différentes et pas nécessairement patrimoniales de relier leurs données culturelles entre elles. Il convient alors d’appliquer ce que Juanals et Minel (Juanals & Minel, 2016) nomme une « redocumentarisation » à notre système. L’uniformisation et la structuration des données de notre système est nécessaire dans l’objectif de favoriser une interopérabilité lors d’échanges avec d’autres institutions. L’extraction, la transformation et l’alignement des données dans les normes du web sémantique est en cours de travail.

De même, une référence en muséographie et modèle de données est la norme ISO (ISO 21127:2006) produite dans le cadre du modèle CIDOC CRM (Comité international pour la documentation Conceptual Reference Model) (Organisation internationale de normalisation, 2016). Ce modèle est devenu une ontologie du patrimoine culturel qui décrit, au moyen d’un langage formel, les concepts explicites et implicites de ce domaine avec leurs relations pertinentes. Il comporte quatre-vingt-treize classes (ou entités) et 161 propriétés sont ainsi définies (Juanals & Minel, 2016). Même avec cette finesse de description, il conviendra de pouvoir faire apparaître les particularités et les singularités de nos objets.

Nous pensons suivre l’exemple du British Museum, qui bien que fervent utilisateur de cette norme, a eu recours à des extensions pour indexer de manière précise des éléments de ses collections. En effet, l’idée actuelle est d’ajouter à notre outil des systèmes existants permettant l’ouverture des données tel qu’Omeka (Omeka, 2016). Nous réfléchissons aussi a utiliser l’application Ginco (Gestion informatisée de nomenclatures collaboratives et ouvertes, du programme Hadoc, Harmonisation des données culturelles) développé par le Ministère de la Culture afin de standardiser et de normaliser notre indexation et ainsi avoir accès à un vocabulaire scientifique et technique homogène et centralisé (Ministère de la culture et de la communication, 2016).

Nous souhaitons aussi utiliser des ressources terminologiques normalisées telles qu’elles existent pour les lieux géographiques ou des thésaurus de domaine instrumental d’objets, tout en poursuivant la construction d’un thésaurus spécialisé.

CONCLUSION

Ainsi, l’étude d’autres systèmes de base de données et notamment de leur système d’indexation, de leur méthode de gestion d’information et de leur contenu, amène à faire évoluer encore nos pratiques. Nous travaillons actuellement à l’harmonisation du descriptif et du contenu de nos champs avec ceux définis par le Ministère de la culture. Nous nous basons notamment sur le tableau définissant la qualification des données ainsi que l’a présenté Camille Domange (Domange, 2013) dans son rapport.

Des liens avec d’autres bases patrimoniales peuvent être envisagés mais il convient cependant de veiller à conserver l’intérêt et les particularités de ce patrimoine afin d’utiliser les abondantes données capitalisées dans la base nationale.

Le dit patrimoine, dans sa globalité et sa grande diversité, constitue pour demain l’un des outils privilégiés permettant aux publics de se familiariser avec les savoirs, les techniques et les innovations et représente pour les jeunes un outil de sensibilisation et potentiellement une source de vocations.

BIBLIOGRAPHIE

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Ballé, C., Cuenca, C., Chambaud, S., & Thoulouze, D. (2016). Patrimoine contemporain des sciences et technique. Paris: La Documentation française.

Catherine, C. (2007). Le patrimoine scientifique et technique contemporain : naissance d’une politique. U-Culture(s), revue culturelle annuelle de l'université de Bourgogne, pp. 4-11.

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Cotte, M. (2009). Les techniques numériques et l’histoire des techniques. Le cas des maquettes virtuelles animées. Documents pour l'histoire des techniques, CNAM CDHT, pp. 11-20.

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Ramunni, G. (2012). Les lieux des erreurs scientifiques. Paris: Le Cavalier Bleu.

Simondon, G. (2005). L’invention dans les techniques. Paris: Seuil.


[1] Robert Halleux, « Cinquante ans de mutations dans les sciences et les techniques », in : Wallons d’ici et d’ailleurs, La société Wallonne depuis la Libération, Namur, Institut Jules Destrée, 1996.

[2] Le terme de patrimoine est un raccourci permettant d’indiquer un intérêt historique, scientifique ou pédagogique de ces appareils, mais qui n’ont pas été reconnus encore comme pouvant entrer en collection patrimoniale traditionnelle.

[3] Le réseau est communément nommé Patstec

[4] En rapport avec le terme de « dossiers d’œuvre », réalisé habituellement dans les services d’inventaire des musées

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